APPD Guinée-Bissau : des avancées pour la pêche artisanale, mais des bateaux d'origine européenne passent entre les mailles du filet

Dans cet article concernant le nouveau protocole d’accord de partenariat de pêche entre l’UE et la Guinée-Bissau, l’auteure passe en revue les points essentiels de l’accord du point de vue de la pêche artisanale locale et relaye ses demandes : transparence, accès au poisson pour les femmes transformatrices, formation. Par ailleurs, l’auteure détaille l’aspect de la durabilité : bien que le protocole ne permette pas aux flottes européennes de pêcher des petits pélagiques en raison de leur surexploitation, au moins 4 navires d’origine européenne auraient pris le pavillon de la Guinée-Bissau et pêcheraient ces espèces dans la région, mettant à mal la sécurité alimentaire de la région et concurrençant la pêche artisanale.

NOTE : Toutes les photos de cet article ont été prises par la photojournaliste Carmen Abd Ali. Vous pouvez voir une sélection de ses photos de la chaîne de valeur de la pêche artisanale en Guinée-Bissau ici.

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L’Union européenne a conclu en mai dernier un nouveau protocole d’accord de partenariat de pêche durable (APPD) avec la Guinée Bissau qui s’étend sur cinq ans. Cet accord a été signé en septembre et est mis en œuvre de façon provisoire en attendant l’aval du Parlement européen.

Cet accord est, avec celui avec la Mauritanie, un des rares accords multi-espèces permettant aux flottes européennes de pêcher non seulement le thon, mais aussi des céphalopodes, des crevettes et des espèces démersales. En contrepartie, 17 millions d’euros seront versés chaque année à la Guinée Bissau, y compris 4,5 millions pour l’appui sectoriel.

La Guinée-Bissau, qui a vécu deux tentatives de coup d’état durant la dernière période de protocole de l’accord de pêche, est un des pays les plus pauvres, les plus instables et les moins développés de la région. L’économie repose surtout sur le secteur primaire et la pêche représente 3% du PIB de ce pays de 2 millions d’habitants.

L’évaluation rétrospective de l’accord indiquait la dépendance du gouvernement vis-à-vis du secteur pour ses recettes, les recettes issues du secteur de la pêche représentant « environ 15 % des recettes budgétaires totales du pays, et près de 50 % de ses recettes budgétaires non fiscales ». L’accord de pêche avec l’UE est une importante contribution, représentant 60 % des recettes budgétaires nationales issues du secteur de la pêche. En effet, si l’on compte aussi les contributions des armateurs pour leurs autorisations de pêche, la contribution de l’UE est estimée à plus de 100 millions d’euros sur 5 ans.

Dans cet article, nous soulignons les points importants concernant l’accès et l’appui sectoriel pour la chaîne de valeur de la pêche artisanale locale.

  1. Accès

La zone de pêche de Guinée-Bissau comprend une zone commune partagée avec le Sénégal. Selon l’évaluation commandée par la Commission européenne, les eaux du pays sont exploitées par environ 128 navires de pêche industrielle (chiffres de 2022), accédant à la zone de pêche sous des régimes d’accord ou sous les régimes prévus dans la réglementation nationale. La majorité des navires battent le pavillon chinois (sous accord ou affrètement).

En Guinée-Bissau, les pirogues artisanales font rarement plus de 18 mètres de long et seulement 32% d’entre elles sont motorisées. Photo : Salif Mbou est le charpentier en chef du port de Bissau, par Carmen Abd Ali.

De plus, de par l’accord bilatéral avec le Sénégal, un maximum de 300 pirogues artisanales sénégalaises peuvent venir pêcher dans les eaux, faisant la concurrence à la pêche artisanale locale, moins développée. Selon une étude de l’UEMOA, seulement 32% des pirogues de Guinée Bissau seraient motorisées.

L’opacité régnant dans la gestion des pêches en Guinée-Bissau, il est très difficile de connaître l’effort de pêche total dans les eaux du pays ouest-africain.

A) SOCIÉTÉS MIXTES : UNE CONCURRENCE À LA PÊCHE ARTISANALE

Dans le cadre des APPD, l’UE encourage la mise en place de sociétés mixtes de pêche entre des sociétés européennes et des sociétés locales (voir, par exemple, l’article 12.1 du protocole avec la Guinée-Bissau). À notre connaissance, des sociétés mixtes de pêche avec des compagnies européennes, couvrant les activités de bateaux repavillonnés localement, existent notamment au Sénégal, et bénéficient, de par les accords bilatéraux de pêche entre ce premier pays et d’autres pays de la région, d’un accès élargi aux eaux de la Gambie, de la Guinée-Bissau et du Libéria, entre autres. Ces navires opérant en dehors du cadre des accords UE, et sous la réglementation sénégalaise, ne respectent pas toujours les règles des pays où ils pêchent, comme nous l’avons dénoncé précédemment pour des chalutiers appartenant à une société espagnole.

L’absence d’un cadre clair pour ces sociétés mixtes, les défaillances des États côtiers d’Afrique de l’Ouest au niveau de l’application de la loi et de leur manque de capacités en matière de SCS, ne peuvent pas garantir une pêche durable par ces bateaux repavillonnés. De plus, les communautés de pêche artisanale de cette région dénoncent leur mise en concurrence avec des chalutiers côtiers opérant dans le cadre de ces sociétés mixtes, car ils ciblent les mêmes ressources halieutiques que les pêcheurs artisans et font souvent des incursions dans des zones réservées à la pêche artisanale.

B) PETITS PÉLAGIQUES : UN ACCÈS « ZÉRO » ?

Les scientifiques alertent depuis des années sur l’état de surexploitation des stocks de petits pélagiques dans la région. De la sardinelle ronde, puis plate, en passant par l’ethmalose, de plus en plus d’espèces seraient surexploitées. Suite aux conclusions du dernier comité scientifique conjoint entre l’UE et la Guinée-Bissau concernant l’état des stocks, l’accès aux petits pélagiques pour les flottes européennes a été fixé à zéro.

Lors de la présentation de l’APPD au Parlement européen en septembre, l’eurodéputée suédoise Isabella Lövin félicitait la Commission de cet accès 0 mais soulignait l’hypocrisie des pays européens car certains navires d’origine européenne se sont repavillonnés en Guinée-Bissau pour continuer de pêcher des petits pélagiques : « il y a la clause d’exclusivité dans ces accords, mais nous n’avons toujours pas traité la question des [navires] européens qui se repavillonnent », insistait-elle. « La Commission parle de sécurité alimentaire, mais ces navires ne sont pas contrôlés, et pour la plupart, ils exportent [leurs produits] vers l’UE ».

L’eurodéputée a cité un article du Financial Times, qui explique que suite aux changements dans la réglementation de contrôle de l’UE interdisant aux ressortissants de l’UE d’avoir des navires pavillonnés dans des pays listés comme non coopérants dans la lutte contre la pêche INN, 4 chalutiers pélagiques d’origine lituanienne pavillonnés au Cameroun se seraient repavillonnés en Guinée-Bissau. Selon des sources locales, ces navires pêcheraient aussi en Mauritanie, où l’accès aux petits pélagiques sous l’accord UE est aussi restreint pour les flottes européennes pour les mêmes raisons de durabilité.

Les journalistes, en collaboration avec l’ONG Oceana, révélaient que plus de 39 navires pavillonnés en Gambie, Mauritanie, Sénégal et Guinée-Bissau auraient des propriétaires bénéficiaires européens. Certains auraient un historique de pêche INN, notamment un navire d’origine italienne, le TWENTY, pour lequel CAPE a précédemment porté plainte auprès de la Commission. Rien n’a été fait. Sans surprise, la réponse de la Commission à la question de Lövin était décevante, en faisant remarquer qu’elle n’y pouvait rien, ces chalutiers pélagiques d’origine lituanienne battant le pavillon d’un autre pays…

« Dans le cadre de l’APPD EU-Guinée-Bissau, les navires européens n’ont aucun accès aux petits pélagiques. Toutefois, une partie de ces navires préfère se repavillonner pour contourner la restriction et continuer d’exporter leurs produits vers l’UE. » »
— Isabella Lövin, députée européenne (Les Verts/ALE)

Cependant, nous ne partageons pas la position de la Commission : cette dernière a l’obligation, en vertu de l’article 39 du règlement de l’UE visant à mettre fin à la pêche INN, de s’assurer que les pays membres sanctionnent effectivement leurs ressortissants impliqués dans des opérations de pêche INN. Nous rejoignons les remarques de l’eurodéputée Lövin qui demandait à la Commission de « regarder de plus près cette pratique de repavillonnement menée par des citoyens européens » et de mettre en place « un système de suivi et de mettre plus de pression sur les États membres pour qu’ils contrôlent » leurs nationaux.

C) LA GESTION DES STOCKS PARTAGÉS : UNE URGENCE RÉGIONALE ENCORE ET TOUJOURS

Au-delà des questions de repavillonnement et du débat de l’accès des flottes européennes, la question de la surexploitation des petits pélagiques reste un problème urgent au niveau régional. L’augmentation de la production de farine de poisson à base de petits pélagiques, que ce soit à terre dans des usines ou bien directement à bord de bateaux-usines, est un des facteurs qui contribue le plus à la surexploitation de ces stocks dans la région. La situation est de plus en plus catastrophique car elle se voit aggravée par le changement climatique, qui pousse ces stocks – pourtant essentiels à la sécurité alimentaire des populations locales – vers le nord.

En Guinée-Bissau même, une source locale alertait encore il y a quelques semaines d’une nouvelle usine de farine de poisson implantée dans le nord du pays. D’autres, mentionnaient deux énormes bateaux-usines. Dans la région, par exemple au Sénégal, les exportations ont augmenté fortement en 2022, et ceci malgré l’opposition des communautés locales. L’opacité règne quant à l’approvisionnement de ces usines ainsi que concernant le propriétaire bénéficiaire de ces installations. Ce qui est clair, néanmoins, est que de grandes quantités sont directement exportés vers l’Europe dans l’industrie minotière (Espagne, Danemark, France), ou indirectement à travers les importations de produits aquacoles (de Norvège, de Turquie) nourris à base de farine et huile de poisson.

Tandis que des milliers de tonnes de poissons sont transformées tous les jours en nourriture pour poisson, le poisson n’arrive plus dans l’assiette des consommateurs de la région. En Guinée-Bissau, de plus, les captures artisanales ne suffisent pas à l’approvisionnement du marché local. Les femmes transformatrices disent ne pas pouvoir accéder à la ressource, de par la concurrence avec les usines et le manque d’infrastructures pour le débarquement.

On ne peut que souligner la duplicité de l’UE, qui insiste sur le fait que ses accords de pêche sont durables et soutiennent la sécurité alimentaire dans la région. D’une part, elle dit ne pas permettre l’accès aux petits pélagiques pour ses flottes, mais d’autre part, elle autorise les importations de produits dérivant des petits pélagiques. Certes, ceci est possible car ces processus sont régis par des politiques différentes, mais un peu plus de cohérence serait bienvenue.

Pour leur part, les communautés de pêche artisanale proposent des recommandations pour résoudre cette crise alimentaire qui menace la région : ils demandent une gestion concertée des petits pélagiques, la réservation de ces espèces pour la pêche artisanale qui pêche pour la consommation humaine et plus d’investissements dans la filière de la consommation humaine. L’UE devrait aussi encourager ces mesures-là par le biais de ses accords.

2. Appui sectoriel

Dans les 17 millions d’euros annuels, le nouveau protocole prévoit 4,5 millions pour l’appui sectoriel qui seront consacrés « à la promotion de la gestion durable de la pêche en Guinée-Bissau, aux capacités de contrôle et de surveillance et au soutien des communautés de pêcheurs locales ».

Pour la première fois dans un APPD, le protocole Guinée-Bissau-UE cite dans son préambule les Directives volontaires pour une pêche artisanale durable. Ces directives visent la protection de la pêche artisanale, tenant compte de sa contribution à la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté, ce qui montre la volonté des deux parties de faire de ce secteur une priorité. Dans ce pays qui souffre fortement de la sous-alimentation, la pêche artisanale contribue pour beaucoup à la sécurité alimentaire, le poisson étant la principale source de protéines accessible à un prix abordable (16-18kg/personne/an).

La glace reste essentielle pour la conservation du poisson. Les femmes ont demandé que plusieurs chambres froides soient réparées dans le cadre de l'aide sectorielle, mais seules deux l'ont été. Photo : Filipe Soares est le propriétaire de l'usine de glace à Bissau : Filipe Soares est le propriétaire de la fabrique de glace à Bissau, de Carmen Abd Ali.

Les chiffres pour les captures du secteur varient selon les sources, mais il est important d’indiquer qu’une grande partie (jusqu’à 2 tiers) des captures est exportée vers d’autres pays de la région. Les principaux problèmes auxquels fait face la filière sont le manque d’infrastructures pour le débarquement, la conservation et la transformation des produits halieutiques, et les défaillances du système d’approvisionnement qui rendent difficile l’accès au poisson sur l’ensemble du territoire (les archipels et la terre ferme).

A) TRANSPARENCE DANS LA GESTION DES FONDS ET PARTICIPATION DES BENEFICIAIRES

« En Guinée-Bissau, l’instabilité politique rend difficile la vérification de l’utilisation des fonds », explique Antónia Adama Djaló, présidente du Réseau national des femmes de la pêche artisanale en Guinée-Bissau (RENAMUP-GB). Dans ce pays, où la corruption sévit – et bien évidemment aussi dans le domaine de la pêche –, « quand un nouveau gouvernement arrive au pouvoir, il accuse le précédent de malversation mais dans les faits, peu de sanctions sont prononcées ». Pour Mme Djaló, comme pour d’autres représentants de la pêche artisanale locale, l’utilisation des fonds au bénéfice du secteur local reste une question incertaine.

L’année dernière, le gouvernement aurait organisé une conférence nationale sur la pêche, invitant toutes les parties prenantes. L’UE a eu l’occasion, là, de présenter quelques points sur l’accord et l’appui sectoriel et semblait satisfaite de l’utilité de l’exercice. Les opinions sur les résultats de cette conférence varient. Les communautés, elles, citent des tensions fortes avec le gouvernement suite aux questions posées. Elles regrettent devoir passer par leur gouvernement pour pouvoir faire valoir leurs besoins et souhaiteraient être consultées par l’UE directement.

B) ACCES A LA MATIERE PREMIERE POUR LES FEMMES TRANSFORMATRICES ET INFRASTRUCTURES POUR L’ACCUEILLIR

Bien que les eaux de la Guinée Bissau soient très poissonneuses, les populations en bénéficient très peu. La quasi-totalité des captures dans la zone de pêche sont débarquées à l’extérieur du pays, qu’il s’agisse des chalutiers industriels qui débarquent à Dakar et exportent vers les marchés étrangers, ou des pirogues sénégalaises ou guinéennes qui débarquent dans leurs pays respectifs.

« Si les entreprises européennes veulent redorer leur blason auprès des populations locales », estime Mme Djaló, « mieux vaut qu’elles effectuent les débarquements » prévus comme redevance en nature sous l’accord, et non pas des compensations financières. « Les communautés locales n’en voient pas la couleur, de ces compensations financières », rajoute Papa Cá, président d’une coopérative des Associations de Pêcheurs de la Région de Biombo à l’ouest de Bissau.

« Si les entreprises de pêches européennes veulent restaurer leur image auprès des populations locales, elles doivent débarquer du poisson qui soit propre à la consommation humaine. » »
— Adama Djaló - femme transformatrice et présidente du Réseau national des femmes de la pêche artisanale en Guinée-Bissau (RENAMUP-GB)

Adama Djaló et Ama Camara, une autre femme transformatrice, dénoncent que la majorité de débarquements au profit des populations sont trompeurs : « La plupart n’est pas exploitable pour la consommation humaine » et ne constituent pas des espèces consommées par les Bissau-guinéens. En 2022, un débarquement de poisson pour les populations aurait été envoyé au Sénégal approvisionner des usines de farine en raison de leur état impropre à la consommation humaine.

Indéniablement, le manque d’infrastructures pour accueillir le poisson constitue le principal défi pour ces femmes : sites de débarquements, chambres froides pour conserver le poisson ou bien usines à glace. « Nous avions fait part de nos besoins à une délégation de l’UE ». Par la suite, « l’administration a réparé deux chambres froides, puis plus rien ».

C) EXPORTATIONS DE PRODUITS VERS L’UE

L’évaluation prospective explique que le « potentiel halieutique de la zone de pêche est largement supérieur aux besoins du marché domestique » et pointe vers l’importance pour la Guinée-Bissau de pouvoir exporter ses produits « de façon structurée et contrôlée ». En effet, la Guinée-Bissau ne peut toujours pas exporter ses produits halieutiques vers l’UE faute d’agrément. Selon l’évaluation, le pays n’est pas capable de se conformer aux normes sanitaires de l’UE.

Pour renforcer le contrôle de la salubrité des produits halieutiques, l’UE et la Guinée-Bissau annoncent depuis plus d’une décennie la mise en place d’un laboratoire national pour le contrôle sanitaire avec les fonds de l’appui sectoriel. Les communautés de pêche artisanale pensent que ce laboratoire ne voit pas le jour faute de personnel qualifié, les conditions de travail n’étant pas suffisamment intéressantes pour des nationaux ayant la formation requise.

D) LA FORMATION : UNE CONDITION POUR LE DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR LOCAL

À cet égard, les besoins de formation sont visibles à tous les niveaux de la chaîne de valeur de la pêche artisanale bissau-guinéenne. Par exemple, justement dans le domaine du contrôle sanitaire, les femmes transformatrices de poisson sont encore reconnaissantes d’une formation qu’elles ont reçu au travers de la Confédération africaine d’organisations professionnelles de pêche artisanale (CAOPA). Ces femmes fument, salent ou sèchent le poisson et elles ont été formées sur des questions d’hygiène, de manipulation et d’emballage de poissons. Ce genre de formations, faciles à mettre en œuvre, améliorent les conditions de travail et de vie des femmes et leur permettent de se rencontrer et de mieux s’organiser afin de s’engager dans les processus décisionnels qui les concernent.

Un autre exemple, les pêcheurs artisans signalent être interpelés parce qu’ils opèrent dans des Aires marines protégés (AMP). Ces AMP manquant de balisage, ils ne savent pas identifier quand est-ce qu’ils franchissent les limites. Ceci a déclenché leur demande à être formés sur l’utilisation de systèmes de géolocalisation en mer. Par ailleurs, les pêcheurs expriment une volonté de se développer, d’avoir accès à des eaux plus loin de la côte. Comme mentionné précédemment, seulement un tiers des pirogues bissau-guinéennes ont des pirogues motorisées. Des formations axées sur la sécurité en mer, notamment pour les capitaines de pirogue, couplées à des mesures d’appui et soutien, amélioreraient les conditions de travail des pêcheurs à bord et préviendraient grand nombre d’accidents en mer.

Les formations sont essentielles à l’amélioration des conditions de vie et de travail tant des pêcheurs – par le biais de formations sur l’utilisation de systèmes de géolocalisation en mer – que des femmes transformatrices de poisson – grâce à des formations sur l’hygiène, la manipulation et l’emballage. Photo : des femmes transformatrices font sécher du poisson au soleil, de Carmen Abd Ali.

Finalement, les communautés de pêche de Guinée-Bissau, bien que reconnaissant que « tout le monde préfère travailler à bord des navires européens », se plaignent de ne pas être traitées avec les même conditions que d’autres marins ACP, notamment les Sénégalais. Les armateurs avancent souvent le manque de qualification des marins Bissau-guinéens, et les pêcheurs eux-mêmes parlent des pratiques de corruption par les agents de recrutement pour obtenir une place à bord d’un navire européen. Nous nous félicitons de l’élaboration d’une nouvelle clause sociale à intégrer dans les accords de pêche, qui aborde ces questions. Nous pensons qu’il est également important de mettre l’accent sur la formation des marins, et de lier l’embarquement de marins à cette formation. L’UE devrait aussi utiliser les fonds de l’appui sectoriel pour soutenir ce genre de formations.

Conclusion

Dans le nouveau protocole de l’accord de partenariat de pêche entre l’UE et la Guinée-Bissau, nous retrouvons pour la première fois dans un accord bilatéral de pêche de l’UE, une référence aux Directives volontaires pour une pêche artisanale durable. CAPE et ses partenaires ne peuvent que s’en féliciter, cette année marquant leur 10ème anniversaire. Cela réaffirme la volonté de l’UE et de la Guinée Bissau de soutenir le secteur local de la pêche dans ce pays ouest-africain, qui est essentiellement artisanal.

Néanmoins, pour que ce soutien soit efficace sur le terrain, les besoins des communautés de pêche artisanale doivent être écoutés. Leur demande principale est de pouvoir participer au processus d’identification des priorités pour l’utilisation des fonds de l’appui sectoriel. Les femmes en particulier expriment leur besoin d’accès à la matière première, de formation pour le développement d’un secteur qui reste très informel et où les conditions de travail sont précaires. Pour la suite, les communautés de pêche artisanale souhaitent participer à la mise en œuvre des projets de l’appui sectoriel ainsi qu’avoir de la visibilité par après sur ce qui a été fait. Un premier pas serait de publier les rapports d’utilisation des fonds de l’appui sectoriel.

D’autre part, l’UE doit garantir que ses actions et celles de ses ressortissants ne mettent pas en danger la pêche artisanale. Les petits pélagiques étant les espèces pêchées et consommées par les communautés locales, il est essentiel que ces stocks leur soient réservées. Il est dont intolérable que de navires appartenant à des ressortissants européens arrivent à contourner l’accès zéro aux petits pélagiques de l’accord moyennant le repavillonnement.


Photo de la bannière : Marie Brassene donne de l'argent à son mari Jaime Brassene Jandim pour couvrir les frais de carburant et de glace. Souvent, les femmes transformatrices de poisson préfinancent le coût de la sortie de pêche pour s'assurer un accès prioritaire aux captures de la pirogue, photo de Carmen Abd Ali.