Un libre accès accru au marché de l'UE pour des longes de thon bon marché est une mauvaise nouvelle pour les producteurs des pays en développement

Les pays ACP et les pays bénéficiant du SPG+ respectent des règles d'origine strictes et souscrivent à des normes de durabilité qui ne sont pas exigées des pays dont les produits de la mer entrent dans l'UE dans le cadre des contingents tarifaires autonomes (CTA)


Dans un communiqué de presse récent, l'organisation européenne du secteur de la pêche Europêche a dénoncé le fait que l'UE va donner libre accès à plus de 800 000 tonnes de « produits de la pêche importés à bas prix en provenance de pays qui ne s'engagent pas à respecter les critères de durabilité ».

En effet, le Conseil de l'UE, sous la présidence allemande, est prêt à approuver un règlement fixant des contingents tarifaires autonomes (CTA) pour certains produits de la pêche pour les années 2021-2023. Les CTA sont accordés pour les matières premières ou les produits semi-finis qui ne sont pas disponibles dans l'UE, ou qui sont disponibles mais en quantités insuffisantes.

Le règlement CTA couvre des produits, comme les longes de thon, qui sont également produits dans les pays en développement, comme les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ou les pays bénéficiant du Système de Préférences Généralisées SPG+. Le contingent tarifaire autonome pour les longes de thon a augmenté régulièrement au fil des ans et est actuellement fixé à 30 000 tonnes/an d’importations à droits nuls (Les droits de douane pour les longes de thon sont de 24%, les droits les plus élevés pour les fruits de mer). La présidence allemande propose de porter ce chiffre à 35 000 tonnes/an, une nouvelle qui devrait inquiéter les pays en développement qui bénéficient actuellement d'un régime préférentiel et qui produisent également des longes de thon.

Ces derniers doivent se conformer à des règles d'origine strictes qui limitent les volumes disponibles à l'importation dans l'UE dans le cadre de leur régime préférentiel. Par le biais de l'accord de Cotonou ou de la signature de conventions internationales pour les pays bénéficiant du régime SPG+, ils ont également pris des engagements en faveur du développement durable sur le plan environnemental et social, dont le respect peut se révéler coûteux.

Une unité de transformation du thon en Malaisie. Les pays d'Asie du Sud-Est et la Chine, à l'exception du Viêt Nam, ne se sont pas engagés à respecter des normes de durabilité similaires à celles des pays ACP et des pays bénéficiant du SPG+. Photo:&…

Une unité de transformation du thon en Malaisie. Les pays d'Asie du Sud-Est et la Chine, à l'exception du Viêt Nam, ne se sont pas engagés à respecter des normes de durabilité similaires à celles des pays ACP et des pays bénéficiant du SPG+. Photo: Fred Weirowsky.

Cependant, les pays d'où proviennent la plupart des longes de thon entrant dans l'UE par le biais des CTA, la Chine et d'autres pays d'Asie du Sud-Est, ne se sont pas engagés à respecter des normes de durabilité similaires, à l’exception du Vietnam pour lequel l’Accord de libre échange (ALE) avec l’UE contient des engagements en matière de développement durable. Ces pays d'Asie du Sud-Est ont été dénoncés à plusieurs reprises pour leur attitude laxiste à l'égard du respect des normes environnementales et sociales dans la production et la transformation du poisson.

Le secteur de la pêche de l'UE fait valoir que si l'on additionne les quantités de thon capturées par les flottes de l'UE, avec les produits provenant des pays ACP/SGP+, il y a suffisamment de thon pour répondre aux besoins de l'industrie de transformation de l'UE.

Les longes de thon qui seront importées dans le cadre du CTA, principalement de la Chine, et soumises à des droits de douane nuls, seront en concurrence sur le marché européen avec les produits de la flotte thonière de l'UE et avec les longes de thon provenant des pays en développement qui bénéficient d'un régime d'accès préférentiel. L'attribution d'un contingent tarifaire de plus en plus important pour les longes de thon n'encourage pas ces pays en développement à mieux appliquer les normes de durabilité qu'ils se sont engagés à respecter dans le cadre du régime ACP ou SPG+. Pourquoi devraient-ils faire des efforts coûteux pour respecter ces normes alors que leur accès ‘préférentiel’ au marché de l'UE est encore plus érodé par le système des CTA ?

Il y a quelques mois, le Conseil consultatif de la pêche à longue distance de l'UE (LDAC, dans son acronyme en anglais), composé des acteurs de la chaîne de valeur de la pêche de l'UE et d'ONG, a proposé d'éliminer le régime des contingents tarifaires autonomes pour les longes de thon. L'avis a également souligné que, dans sa stratégie « De la ferme à la table », l'objectif de l'UE est d’être un leader pour une transition mondiale vers des systèmes de production alimentaire environnementalement et socialement durables. Il est certain que le fait de proposer une augmentation des contingents tarifaires autonomes pour les longes de thon ne contribuera certainement pas à faire de l'UE un leader de la production alimentaire durable.