Pacte européen pour les océans : la pêche artisanale fait partie de la solution

Ces dernières semaines, le Pacte européen pour les océans (PEO) anime les discussions à Bruxelles : une table ronde de haut niveau a réuni des parties prenantes sélectionnées et le commissaire Kadis le 21 février, le média Politico a organisé une discussion le 3 mars, puis une journée entière a été consacré au Pacte lors des Journées européennes de l'océan le 5 mars.

Ces échanges de vues entre les acteurs de l'« océan » contribueront à façonner le PEO, en complément des plus de 930 avis – dont celui de CAPE –, envoyés en réponse à la consultation de la Commission européenne.

En introduction à ces discussions, M. Costas Kadis, commissaire européen désigné à la Pêche et aux Océans, a insisté sur une gouvernance des océans fondée sur un PEO qui adopte une approche globale, intégrée et cohérente afin de dépasser le cloisonnement des politiques. Il a également rappelé que le pacte poursuivra « des objectifs tout aussi importants, à savoir garantir la santé et la productivité des océans en protégeant la biodiversité, stimuler l'économie bleue durable de l'UE, élargir le cadre de connaissances marines de l'UE, renforcer la gouvernance internationale des océans et développer la résilience et les opportunités pour les communautés côtières ».

« Comment exploiter les bénéfices socio-économiques des secteurs de l’« économie bleue » tout en assurant la durabilité des océans sur le long terme  et en protégeant la pêche artisanale ? » »

D'après la députée européenne Isabella Lövin et Pascal Lamy, coordinateur du réseau de think tanks Jacques Delors, seule une action concertée des ministres de l'UE favorisera la promotion de politiques cohérentes. Mme. Lövin a en outre souligné la nécessité d'avoir quelque chose de plus fort qu'une approche, à savoir une proposition législative. Ce qu'un autre intervenant, le député européen Christophe Clergeau (SEARICA), a appelé « passer d'un pacte pour les océans à un acte pour les océans ».

Le principal défi du PEO identifié par les parties prenantes est de savoir comment exploiter les bénéfices socio-économiques des secteurs de l'« économie bleue » tout en assurant la durabilité des océans sur le long terme  et en protégeant la pêche artisanale. En effet, de nombreux intervenants, dont la Commission européenne, ont reconnu que la pêche artisanale est un utilisateur clé des océans, qu'elle doit être impliquée dans la conception et la mise en œuvre du Pacte afin de protéger ses activités.

Marta Cavallé, secrétaire générale de l'association Low Impact Fishers of Europe (LIFE), a souligné que la pêche artisanale est plus qu'un simple métier : « Les communautés de pêche fournissent de la nourriture, entretiennent des liens étroits avec le tourisme et d'autres secteurs, et ancrent les populations dans leurs territoires. Elles sont l'épine dorsale des communautés côtières. Elles font partie de la solution. »

Raïssa Nadège est intervenue pour la Confédération africaine d’organisations professionnelles de pêche artisanale: « Ne donnez pas le feu vert à une économie bleue qui pollue, qui détruit les écosystèmes et qui détruira les communautés qui dépendent de ces écosystèmes pour leur subsistance. » Photo: Margaux Rochefort.

Elle a remis en question l'idée selon laquelle, dans l'économie bleue, tout le monde serait gagnant : « Ce discours est fallacieux et dangereux. Il ne s'agit pas de partager un gâteau et que chacun, pêche artisanale et autres secteurs de l'économie bleue, en reçoive un morceau. Il y aura des compromis, et la pêche artisanale étant le secteur le plus vulnérable, elle risque de disparaître au profit de secteurs plus puissants ». Pour protéger la pêche artisanale, elle a demandé que la zone des 12 milles, dans les eaux européennes, soit réservée à la pêche artisanale à faible impact.

Concernant l'amélioration de la conservation de la biodiversité, plusieurs voix ont appelé à une action ambitieuse, un « véritable programme » pour atteindre 30 % d'aires marines protégées d'ici 2030, avec un mécanisme de mise en œuvre robuste et des indicateurs clairs pour suivre les progrès. Raissa Nadège Leka Madou, transformatrice de poisson en Côte d'Ivoire, représentante de la Confédération africaine des organisations professionnelles de pêche artisanale (CAOPA), a souligné le rôle central de la gestion inclusive des ressources halieutiques pour la conservation : « dans de nombreux pays africains, la conservation de la biodiversité est le résultat de la mise en place de zones réservées à la pêche artisanale, cogérées par les communautés de pêche et les autorités. » Elle a noté que l'Organisation des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) a déjà reconnu l'importance de la pêche artisanale dans la conservation et a convenu que « ces zones cogérées, qui ont un objectif de conservation, devraient être considérées comme des contributions à l'objectif de conservation de 30 % des aires marines d'ici 2030 ».

Raïssa Madou et la députée européenne Isabella Lövin ont toutes deux souligné la nécessité de fonder le Pacte européen pour les océans sur le principe de précaution. Lors de l'événement Politico, Mme. Lövin a souligné que « le manque de connaissances ne devait pas être un prétexte pour poursuivre l'exploitation des ressources océaniques, même si des intérêts économiques sont en jeu ». Faisant écho à ces propos, Mme. Madou a plaidé en faveur du futur Pacte européen pour les océans : « ne donnez pas le feu vert à une économie bleue qui pollue, qui détruit les écosystèmes et qui détruira les communautés qui dépendent de ces écosystèmes pour leur subsistance. »

Photo de l’entête : Compte X de Mme Charlina Vitcheva.