Malgré les promesses de mesures pour décourager cette activité par l’augmentation de taxes à l’exportation et le détournement de captures pour la consommation humaine, plus de 650,000 tonnes de poisson frais par an sont utilisés pour faire du fourrage animal
En 2017, la Mauritanie avait affirmé qu’elle mettrait en place des mesures pour réduire progressivement et éliminer la production de farine et huile de poisson pour 2020. Mais depuis 2010, l’exploitation de petits pélagiques (frais et entiers) est de plus en plus détournée vers l’utilisation pour la farine de poisson. La production de farine et d’huile de poisson– en fait a triplé -, ce qui contribue à la surexploitation de certaines ressources, partagés entre plusieurs pays voisins.
Cette semaine, la Commission européenne a annoncé la reprise, en Novembre prochain, des négociations avec la Mauritanie pour un nouveau protocole à l’Accord de Partenariat de Pêche Durable (APPD).
Si les enjeux pour la pêche artisanale locale sont connus de longue date, - exclusivité de la pêche au poulpe pour les flottes locales, zonage qui protège leurs zones de pêche du chalutage -, un aspect clé sera l’accès aux petits pélagiques, qui s’inscrit dans la problématique régionale (du manque) de gestion concertée.
L’Union européenne pourra, dans un futur protocole, appuyer les efforts de la Mauritanie et des autres pays de la sous-région pour aller vers une approche concertée pour la gestion des petits pélagiques, - à long terme la seule garantie de la récupération et la conservation de ces ressources surexploitées-, en soutenant notamment la recherche. Mais un élément qui risque de saper durablement ces efforts pour la conservation de ces ressources, c’est l’augmentation anarchique et exponentielle de la pêche de petits pélagiques, et le détournement de ces captures de la consommation humaine en Afrique de l’Ouest vers la production de farine et d’huile de poisson pour l’exportation.
Le sujet fait polémique depuis de nombreux mois en Gambie et au Sénégal. La semaine dernière encore, un rapport de Greenpeace rappelait la demande insistante de la société civile de ces pays: « l’élimination progressive de toute production de farine de poisson utilisant des poissons propres à la consommation humaine, et la réorientation de la capacité de transformation de la farine et de l’huile de poisson vers des produits destinés à la consommation humaine directe ».
Un pays de la sous-région qui semblait avoir entendu cet appel, c’est la Mauritanie. Ainsi, en 2017, le Gouvernement mauritanien adoptait des mesures pour décourager la production de farine et d’huile de poisson et éliminer progressivement cette production de farine pour 2020. Le but étant, aux dires du gouvernement mauritanien, « de mieux valoriser les captures et renforcer la sécurité alimentaire ». Les mesures proposées étaient d’augmenter les taxes à l´exportation (passant de 1% à 8%) et de renforcer le contrôle. Aussi, d’accroître l’activité de transformation pour la consommation humaine et de destiner de 0% à 15% à la consommation humaine jusqu´à atteindre les 60% en 2020.
Mais aujourd’hui, en 2020, c’est le contraire qui s’est produit. Dans la sous-région, avec plus de 25 usines actives, la Mauritanie est le pays qui produit le plus de farine et d’huile de poisson. Les chiffres officiels de la Société mauritanienne de commercialisation du poisson (SMCP) confirment que, pour le premier trimestre de 2020, c’est près de 33.000 tonnes de farine et d’huile de poisson qui ont été exportées, ce qui correspond à quelques 165.000 tonnes de poissons, en grande majorité des petits pélagiques. Si la production d’huile et de farine continue à ce rythme effréné, c’est plus de 650.000 tonnes de petits pélagiques qui finiront en farine et en huile dans les usines mauritaniennes en 2020. On est loin de l’élimination programmée et promise par les autorités pour 2020.
Photo entête: Cassiano Psomas - @psomas/Unsplash
La commission mixte de l’APPD Mauritanie-UE se tiendra du 4 au 6 décembre à Nouakchott. L’auteure de cet article émet des recommandations à la lumière des conclusions du Comité des pêche pour l’Atlantique centre-est (COPACE). Dans son dernier rapport, le COPACE faisait état de la situation catastrophique des stocks partagés de petits pélagiques et préconise une réduction substantielle et immédiate de l’effort de pêche de 60 % pour la sardinelle plate et ronde.