La semaine dernière, le commissaire européen désigné pour le portefeuille de la Pêche et des Océans, Costas Kadis, a fait face à la Commission de la pêche du Parlement européen (PECH) lors de son audition de confirmation. M. Kadis, ancien ministre de l'Agriculture, du Développement rural et de l'Environnement de Chypre, est biologiste et actuellement professeur en conservation de la biodiversité.
Dans sa lettre de mission, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, lui a demandé d'assurer « la compétitivité et la durabilité à long terme » du secteur de la pêche et de « compléter et suivre l'évaluation de la politique commune de la pêche », un processus entamé par son prédécesseur. En outre, M. Kadis a été chargé de présenter un « Pacte européen pour les océans », un « cadre de cohérence pour toutes les politiques liées aux océans », qui doit être conçu de manière « collaborative et inclusive », par le biais de « dialogues sur la pêche et les océans ». Cette initiative, ainsi qu'une énigmatique et ambitieuse « diplomatie européenne des océans », devront respecter un délai serré, à savoir être présentées d'ici juin 2025 lors de la conférence des Nations unies sur les océans, où l'UE devra « montrer la voie ».
Une seule et même réponse pour toute une panoplie de questions : « l'évaluation de la PCP est en cours »
Au cours des trois heures d'audition, les députés européens se sont principalement concentrés sur les questions liées aux défis sociaux et environnementaux auxquels le secteur de la pêche de l'UE fait face. Ils ont, par exemple, posé des questions sur le manque de transparence et l'attribution inéquitable des quotas pour la pêche artisanale et ont appelé à une mise en œuvre efficace de l'article 17 de la Politique commune de la pêche (PCP), qui demande aux États membres d'utiliser des critères et objectifs transparents, y compris ceux de nature environnementale, sociale et économique, lors de l'attribution des possibilités de pêche.
Dans ses réponses, M. Kadis a systématiquement fait référence à l'évaluation en cours de la PCP. Sur la possibilité de rouvrir la PCP : « Nous voulons nous appuyer sur les aspects positifs de la PCP, car elle a produit des résultats positifs, et remédier aux faiblesses qui seront mises en évidence dans l'évaluation ». Sur la mise en œuvre de l'article 17 : « L'évaluation prendra en considération les points de vue de toutes les parties prenantes ». Sur l'obligation de débarquement : « Après l'évaluation, nous disposerons de toutes les informations nécessaires pour prendre les meilleures décisions. »
La diplomatie océanique de l’UE : toujours en chantier
Après les questions plus spécifiques, les députés ont voulu savoir comment M. Kadis interprétait le Pacte européen pour l'océan. Il a précisé que « toutes les politiques liées aux océans s'inscriront dans ce cadre stratégique, qui facilitera la coordination entre les différentes politiques et activités ». Selon lui, la PCP sera placée sous ce Pacte, car le secteur de la pêche est « affecté par d'autres politiques océaniques ».
Les parlementaires européens Wiesner, Lövin et Bajada se sont demandés comment ce pacte pourrait harmoniser toutes les politiques océaniques s'il n'a pas de base juridique. M. Kadis a remarqué que ce qui est plus urgent est de mettre en œuvre la législation «ambitieuse» actuelle : « La coordination et l'approche holistique sont les éléments clés du Pacte pour l'océan [...]. S’il faut affiner la législation, nous en discuterons plus tard ». M. Kadis s'est engagé à ce que le pacte soit présenté « à la conférence des Nations unies sur les océans comme un modèle de bonne gouvernance, de cohérence et de gestion plus durable de nos océans ».
Bien que M. Kadis n'ait pas précisé sa conception de la diplomatie européenne des océans durant l’audition, il a donné quelques indications dans ses réponses écrites : l'UE devrait continuer à jouer un rôle « de premier plan dans la définition des objectifs mondiaux en matière d'océan, en garantissant une utilisation équitable, durable et sûre de l'espace océanique et de ses ressources », avec comme première priorité la ratification du traité sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, en haute mer (connu sous le sigle anglais BBNJ, Marine Biodiversity of Areas Beyond National Jurisdiction).
Le commissaire désigné a également insisté sur l'importance de la compétitivité du secteur. Outre les mesures qu'il envisage pour le secteur européen sur le plan interne, il a brièvement évoqué la dimension extérieure de la PCP. Pour lui, la position de l'UE à l'égard des pays tiers est également importante, et il a déclaré qu'il miserait sur « la puissance du marché intérieur » : « l'amélioration de la compétitivité passe aussi par une action sur la façon dont nous faisons du commerce avec les pays tiers ». Il a également fait remarquer que les réglementations relatives à la pêche INN devaient être intégrées dans les différents accords commerciaux « afin de lutter immédiatement contre la concurrence déloyale ». « Je souhaite que nous parvenions à des conditions de concurrence plus équitables (level playing field) en promouvant les normes de l'UE dans tous les forums internationaux », a-t-il ajouté.
M. Kadis adoptera la même approche que son prédécesseur en ce qui concerne la pêche INN. Le commissaire désigné a repris la devise de M. Sinkeviçius dans son discours initial : « J’aurai une politique de tolérance zéro pour la pêche INN ». Il a également répondu à la question de l'eurodéputée Mélissa Camara concernant les activités illégales des navires appartenant à des ressortissants de l'UE et battant pavillon de pays tiers : « Si certains acteurs irresponsables profitent de l'occasion pour opérer illégalement, je n’hésiterai pas à prendre des mesures pour mettre fin à ces activités illégales. »
Une économie bleue qui fait la part belle aux profits ?
Bien que presque aucun parlementaire n'y ait fait référence, M. Kadis a parlé de « l'économie bleue de l'UE » et de comment « tirer parti de son énorme potentiel ». Il a ajouté : « Je veux que le secteur de la pêche soit également impliqué dans le processus ». Sur ce point, la députée européenne Le Callennec a demandé comment le commissaire désigné gérerait les conflits liés à l'aménagement de l'espace marin, ce à quoi il a répondu : « Je ne pense pas que la bonne solution soit de mettre de côté les activités rentables. Nous devons examiner comment organiser ces activités de manière à minimiser leur impact ». Cette approche diffère de la demande du secteur de la pêche artisanale, qui souhaite être protégé des industries plus puissantes. Pour ce secteur spécifique, « l'approche de précaution, la transparence et la participation effective des pêcheries artisanales devraient guider toute nouvelle utilisation des océans. »
Dans sa conclusion, le commissaire désigné a résumé la situation : « J'ai pris note de vos attentes élevées en ce qui concerne le Pacte pour l'océan et l'approche holistique de nos océans, du maintien du leadership de l'Union européenne dans la diplomatie mondiale des océans et de l'exploitation de l'énorme potentiel de notre économie bleue. » La commission PECH a approuvé sa nomination en tant que futur commissaire européen chargé de la pêche et des océans. Sur la base des recommandations de la commission, la Conférence des présidents du Parlement européen procédera à l'évaluation finale et déclarera les auditions closes le 21 novembre. L'élection par les députés européens du collège complet des commissaires (à la majorité des suffrages exprimés, par appel nominal) aura lieu lors de la prochaine session plénière à Strasbourg, prévue du 25 au 28 novembre.
Photo de la bannière : Le commissaire désigné, Costas Kadis, salue la présidente de la Commission PECH, Carmen Crespo Díaz. © European Union 2024 - Source : EP, Laurie DIEFFEMBACQ.
Dans cet article, l'auteur analyse le rapport principal qui plaide pour une augmentation des financements en faveur de la conservation, Financing Nature, et s'appuie sur des exemples de pêche et de gouvernance des océans pour révéler les failles de ses calculs. L'auteur déplore également le fait que l'accent mis sur l'augmentation des dépenses détourne les discussions essentielles sur les causes profondes de la crise et il dénonce le rapport comme étant un outil au service du financement de la conservation, une publication performative qui présente des opportunités d'investissement privé.