La Confédération Africaine des Organisations Professionnelles de la Pêche artisanale (CAOPA) a organisé le 5 octobre 2021 un webinaire intitulé « À qui appartient le poisson ? ».
Cette vidéoconférence, qui a réuni plusieurs panélistes du continent africain et européen, s’est penchée sur des questions liées à la pêche et notamment en relation avec l’accès à cette ressource dans une optique durable mettant comme priorité la sécurité alimentaire des populations. L’événement en ligne, qui a donné la parole à six experts dans différents domaines liés à la pêche, était une opportunité pour parler de la transparence, l’accès des flottes d’origine étrangère aux eaux africaines ou les zones de pêche exclusives à la pêche artisanale.
Dans son intervention, le Dr Alassane Samba, chercheur halieute et ancien directeur du centre des recherches océanographiques de Dakar Thiaroye (CRODT), a expliqué que « le poisson est un patrimoine national ce qui implique la responsabilité des autorités d’exploiter durablement ces ressources au bénéfice des populations ». Le Dr Samba a souligné que ce principe doit guider les négociations des autorités avec des pays tiers quand ils veulent leur accorder un droit d’accès au surplus du poisson. Pour se faire, la transparence sur les captures mais aussi sur le nombre de licences est nécessaire dans la prise de décision.
Un exemple pertinent de l’importance de la transparence, soulevé par Maïmouna Saleck, peut être trouvé dans l’autorisation accordée par les autorités mauritaniennes à un senneur turc pour pêcher dans une zone normalement réservée à la pêche artisanale. Bien que les autorités affirment que cette décision vient renforcer l’accès de la population au poisson avec un prix abordable, plusieurs acteurs soupçonnent que le but réel est de fournir les usines de farine de poisson. Ultimement l’accès du senneur à cette zone mettrait en danger la sécurité alimentaire des mauritaniens. Mme Salek, qui en août dernier a lancé l’alerte sur cette autorisation exceptionnelle, a insisté sur le fait que l'expansion de l'industrie de la farine et de l'huile de poisson met à mal les ressources halieutiques de la région ouest-africaine et a déploré le manque de gestion durable de la part des autorités mauritaniennes.
Béatrice Gorez, coordinatrice de CAPE, a salué dans son intervention l’importance du rôle des organisations professionnelles et de la société civile pour une gestion véritablement durable des ressources. Dans le cas des accords de pêche entre l’Union européenne et des pays africains, elle a expliqué que le plaidoyer de ces acteurs a permis une amélioration de la situation des pêcheurs artisanaux à travers les différentes révisions des accords. Par exemple, dans le passé, c’était des chalutiers espagnols qui pêchaient le poulpe dans les eaux de la Mauritanie mais désormais n’ont plus accès à ces ressources. Pour Mme Gorez, il faut suivre un principe aussi simple que fondamental : « Tout ce qui peut être pêché de façon durable par la pêche artisanale doit être laissé à la pêche artisanale ».
D’autres sujets ont été abordés par les différents panélistes, comme l’impact des restrictions imposées pour lutter contre la pandémie de Covid-19 sur la pêche artisanale. Le Dr Hamady Diop, chef de la coopération technique et des services consultatifs au sein de l’Agence de Développement de l’Union Africaine, a parlé des insuffisances au niveau du continent qui ont été mises en exergue par la crise sanitaire et a présenté ensuite les solutions proposées par l’Union Africaine. Le Dr Ndiaga Gueye du bureau régional pour l’Afrique du FAO, a parlé des « défis spécifiques aux femmes dans la pêche artisanale, comme la difficulté d’accéder à des biens et à des ressources, l’analphabétisme, le manque d’infrastructure et la concurrence avec d’autres secteurs ». Il a ajouté que l’amélioration des conditions de travail doit passer par une mise en œuvre des directives volontaires de la FAO visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale.
Dans son intervention pour conclure le webinaire, Micheline Dion, du programme femmes de la CAOPA et femme transformatrice en Côte d’Ivoire, a déclaré que la pêche artisanale devrait être protégée d’autres activités concurrentes comme la pêche industrielle, l’exploitation pétrolière et le tourisme côtier. Elle juge nécessaire la protection de la pêche artisanale contre « d’autres secteurs qui envahissent nos côtes… et déguerpissent nos communautés de leurs lieux de travail ». Elle a clôturé son intervention par trois demandes principales à l’Union africaine et ses partenaires : Des droits d’accès exclusifs aux pêcheurs artisanaux dans les zones côtières, des conditions de vie et de travail décentes et une protection contre les secteurs concurrents.
Photo de l’entête: Photo d’illustration par Naja Bertolt Jensen/Unsplash
L'auteure formule 4 recommandations qui vise à rendre la dimension extérieure de la PCP plus efficace : (1) l'UE devrait passer d'accords d'accès à des accords de gouvernance des pêches, (2) tout en continuant à soutenir la participation éclairée des parties prenantes dans les pays tiers ; (3) elle devrait veiller à ce que tous les navires d'origine européenne, y compris ceux qui se repavillonnent, respectent les normes de durabilité ; et (4) elle devrait s'engager activement au niveau international à promouvoir des accords d'accès transparents, équitables et durables applicables à toutes les flottes d'origine étrangère qui pêchent dans les pays en développement.