Suite à la publication d’une position commune avec CAPE en juillet 2020, les pêcheurs artisans africains ravivent le processus de réflexion entamé il y a plus de dix ans sur les investissements étrangers opaques dans la pêche africaine à travers des sociétés mixtes
En 2006, une trentaine de chalutiers d’origine européenne se sont repavillonnées au Sénégal sous le couvert de sociétés mixtes – l’accord UE-Sénégal n’ayant pas été renouvelé. Cinq ans plus tard, la Confédération africaine d’organisations de la pêche artisanale (CAOPA) et ses partenaires publiaient la première étude de la société civile au sujet des sociétés mixtes, avec des bateaux d’origine européenne ou asiatique, en remettant en question l’opacité et l’impact négatif sur la pêche artisanale. Depuis, plusieurs rapports ont souligné des malversations et mauvaises pratiques de navires d’origine étrangère opérant en sociétés mixtes en Afrique. Plus récemment, l’arrivée massive de bateaux chinois demandant l’accès aux eaux africaines a soulevé la polémique au sein des communautés de pêche au Libéria, au Ghana, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, à Madagascar…
En vue de ces évènements, CAOPA et CAPE ont publié une nouvelle position commune en juillet 2020 sur les sociétés mixtes, demandant un cadre plus transparent et durable, car leur constitution est fréquemment basée sur une connaissance très limitée des écosystèmes, de l’état des ressources halieutiques ou de la dynamique du secteur local de la pêche. Le manque d'information a très souvent donné lieu à des investissements dommageables pour la conservation des ressources halieutiques et l’avenir des communautés côtières qui en dépendent.
En novembre 2020, la CAOPA a organisé un webinaire pour présenter les problématiques liées à la constitution de sociétés mixtes, avec la participation d’une cinquantaine de représentants des administrations, des organisations régionales de pêche, des ONG, des représentants du secteur de la pêche artisanale et industrielle en Afrique, notamment de la Côte d’Ivoire, la Mauritanie et le Sénégal.
À ce webinaire, les participants ont souligné la nécessité d’application transparente des lois qui limitent l’accès des bateaux industriels, de renforcement du Suivi, Contrôle et surveillance (SCS), mais aussi intérêt de s’inspirer des réglementations hors du domaine de la pêche, comme la législation dans le secteur minier (code minier au Sénégal) ou droit des affaires (OHADA).
Pour discuter plus en détail de certains points soulevés durant le webinaire, ainsi que pour développer un plan d’action pour demander un cadre plus transparent et durable, la CAOPA a organisé le 10 décembre, à Mbour (Sénégal) un atelier présentiel avec plus de 35 participants, notamment, des représentant(e)s des communautés de pêche artisanale de Gambie, de Guinée Bissau, de Côte d’Ivoire et du Sénégal, un ex député sénégalais, le Forum Civil – la branche sénégalaise de Transparency International-, et aussi des associations de consommateurs.
La vice-présidente de la CAOPA, Mme Antonia Adama Djalo, femme transformatrice de Guinée Bissau, a souligné dans son intervention : « Les bateaux, souvent d’origine chinoise, pêchant sous le couvert des sociétés mixtes, repavillonnés ou affrétés, viennent pêcher dans les zones réservées à la pêche artisanale, pêchent des espèces protégées, et détruisent les écosystèmes dont la pêche artisanale dépend pour vivre. C’est pourquoi nous demandons au niveau de la CAOPA et de ses partenaires que les activités des bateaux industriels soit encadrée pour assurer leur transparence et leur durabilité ».
Dans cet article qui traite du renouvellement du protocole de l’APPD UE-Guinée-Bissau, l’auteure, d’une part, passe en revue les points essentiels de l’accord du point de vue de la pêche artisanale locale et relaye ses demandes et, d’autre part, détaille l’aspect de la durabilité : bien que le protocole ne permette pas aux flottes européennes de pêcher des petits pélagiques en situation de surexploitation, au moins 4 navires d’origine européenne se seraient repavillonés en Guinée-Bissau et pêcheraient ces espèces, mettant à mal la sécurité alimentaire de la région et concurrençant la pêche artisanale.