BirdLife Europe et Asie centrale, CAPE et WWF publient un document commun avec des recommandations visant à améliorer le processus et le contenu des évaluations en incluant le bilan des impacts de la flotte de l'UE sur les écosystèmes, de la clause de transparence et de non-discrimination, des besoins des femmes, de la mise en œuvre de la clause sociale et de la contribution aux ODD
Jusqu'en 2012, les évaluations des accords de pêche n'étaient pas accessibles au public. La position de la Commission européenne était que ces documents devaient être confidentiels, afin de protéger les intérêts commerciaux de la flotte de pêche de l'Union européenne (UE) et les relations internationales de l'UE. En 2011, un groupe d'ONG a demandé que ces documents soient rendus publics, en se référant à la Convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, dont l'UE est signataire. Début 2012, les rapports d'évaluation existants ont été rendus publics, et les évaluations ont depuis lors été rendues publiques dès qu'elles sont finalisées.
Une autre demande clé des ONG en 2011, à savoir que les rapports d'évaluation doivent prendre en compte les points de vue d'un large éventail de parties prenantes des deux parties, et pas seulement du secteur de la pêche de l'UE, a également été satisfaite. Aujourd'hui, l'avis des organisations professionnelles de la pêche des pays tiers, des syndicats, des ONG et du secteur européen est activement sollicité dans le cadre du processus d'évaluation des accords de partenariat dans le secteur de la pêche.
Les rapports d'évaluation ex ante et ex post des accords de partenariat sont des documents essentiels pour améliorer la compréhension de l'impact des APPD, pour une série de parties prenantes, tant dans les pays tiers que dans l'UE, ainsi que pour comprendre les questions plus générales relatives à la gestion de la pêche dans les eaux des pays tiers. Mais celles-ci peuvent être encore améliorées.
1. Renforcer le processus
Les évaluations des accords de partenariat en matière de pêche durable peuvent devenir un outil essentiel pour le dialogue sur la pêche durable entre l'UE, le pays tiers et leurs parties prenantes. Pour y parvenir, des mesures doivent être prises pour renforcer le processus d'évaluation :
1.1 Sensibiliser les parties prenantes des pays tiers
En général, les parties prenantes de l'UE sont bien informées de ces évaluations et en font bon usage. Ce n'est pas le cas dans la plupart des pays partenaires. Il faudrait donc que les rapports d'évaluation soient accessibles et activement diffusés aux communautés locales des pays hôtes avant les négociations.
1.2. PLUS de transparence lors de la mise en œuvre
Les rapports d'évaluation soulèvent des préoccupations cruciales, notamment sur des questions telles que les données sur les captures, les dommages causés aux écosystèmes, l'efficacité des fonds de l'UE, etc. Il serait essentiel de comprendre comment ces préoccupations sont traitées non seulement lors de la négociation du protocole/accord, mais aussi quelles mesures concrètes sont prises, avec ou sans succès, pendant la durée de l'accord et du protocole pour répondre à ces préoccupations. Pour ce faire, les procès-verbaux des commissions mixtes et des commissions scientifiques mixtes qui supervisent la mise en œuvre du protocole devraient être systématiquement rendus publics. En outre, les rapports d'évaluation ex ante et ex post devraient inclure des détails sur les résultats de ces commissions, afin d'éclairer les futures négociations.
2. Renforcer le contenu
Les rapports d'évaluation existants contiennent beaucoup d'informations et un bon niveau d'analyse sur de nombreux aspects. Toutefois, le contenu des évaluations pourrait être amélioré si les points suivants étaient intégrés :
2.1. Impacts sur les écosystèmes
Les rapports d'évaluation n'évaluent et n'examinent pas de manière adéquate les impacts des opérations des navires de l'UE sur les écosystèmes marins. Il s'agit, par exemple, de l'impact des chalutiers sur les zones côtières et les fonds marins, et de la capture accidentelle d'espèces sensibles telles que les mammifères marins, les oiseaux de mer ou les requins et les raies. Les rapports d'évaluation devraient permettre de mieux comprendre ces impacts et d'identifier des solutions concrètes pour les minimiser.
2.2. Gouvernance et transparence
Au cours des dernières années dans le cadre des APPD, on a mis de plus en plus l'accent sur les questions de gouvernance, notamment la transparence (en particulier en ce qui concerne l'effort de pêche global) et la non-discrimination de traitement par les pays partenaires à l'égard des autres flottes de pêche lointaine. Cela signifie que toute mesure convenue entre l'UE et le pays tiers visant à protéger les ressources et les communautés de pêche qui dépendent de ces ressources, doit être appliquée à tous les navires étrangers. Ces deux aspects de la gouvernance sont essentiels pour promouvoir une pêche durable. Pourtant, la question de savoir si et comment ces clauses ont été respectées n'est guère abordée dans les évaluations des accords de partenariat dans le secteur de la pêche. La mise en œuvre concrète des clauses de transparence et de non-discrimination devrait faire partie des évaluations des accords de partenariat dans le secteur de la pêche, sur la base d'entretiens avec les parties prenantes.
2.3. Les femmes dans la pêche
Les évaluations des APPD pourraient contribuer à mieux identifier les besoins des femmes dans le secteur de la pêche. L'analyse de l'impact des APPD devrait mettre en évidence tout impact spécifique sur les femmes dans le secteur de la pêche locale. Cela permettrait d'identifier, notamment par le biais d'entretiens avec des groupes locaux de femmes, les besoins qui devraient être dûment pris en compte dans le cadre de l’appui sectoriel, lorsqu'une partie de cet appui est affecté au développement de la pêche locale.
2.4. Aspects relatifs au travail
Les rapports d'évaluation ont tendance à ne pas examiner en détail la mise en œuvre de la clause sociale des APPD, une clause à laquelle les parties prenantes de l'UE sont pourtant attachées. Ces aspects, notamment l'amélioration des conditions de travail et de vie à bord, l'attractivité des emplois, le développement de la formation professionnelle, la libre circulation des travailleurs, devraient être davantage pris en compte, compte tenu notamment de l'engagement de l'UE concernant la convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) de 2007 sur le travail dans le secteur de la pêche.
2.5. COHérence et Contribution au développement
L'UE devrait développer des indicateurs quantitatifs et qualitatifs pour évaluer explicitement les différents aspects des APPD (accès des flottes, soutien sectoriel) et leur contribution à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), en allouant des ressources suffisantes à la collecte des données pertinentes nécessaires, dans le cadre des évaluations ex ante et ex post.
Par son engagement en faveur de la cohérence des politiques pour le développement (CPD), l'UE devrait veiller à ce que les effets cumulés de ses différentes actions contribuent à atteindre les objectifs de la politique européenne de coopération au développement, ainsi que les ODD, à savoir la promotion d'une pêche durable et la sécurité alimentaire au niveau national et régional. L'évaluation de l'APPD est l'outil idéal pour évaluer l'impact dans le pays tiers des différentes politiques de l'UE qui affectent la pêche dans les pays tiers concernés.
Les évaluations doivent énumérer ces actions (pêche - y compris les actions dans les pays voisins et dans les organisations régionales de gestion de la pêche (ORGP) -, aide, commerce, investissements), et suggérer comment accroître les synergies entre ces actions, ainsi qu'avec les pays partenaires (par exemple, comment aborder conjointement les questions de durabilité au niveau régional).
Photo entête: Silvio Augusto Rusmigo / BirdLife Europe & Central Asia
Alors que l’accord de pêche est en renégociation, le Sénégal entame un dialogue formel avec l’UE sur la lutte contre la pêche INN. Dans le cadre de ce dialogue, l’Union européenne a une responsabilité : celle de mieux contrôler les bateaux d’origine européenne, et celle de les sanctionner lourdement quand ils ne respectent pas les règles.