L’année 2021 s’est déroulée le temps d’un éclair. Malgré les restrictions pour lutter contre la maladie du Covid-19, la pêche artisanale africaine a continué à fournir et acheminer du poisson, source de protéines, d’acides gras et de micronutriments essentiels, à un prix abordable aux populations africaines, ce qui a mis encore plus en lumière sa contribution indispensable en termes économiques, sociaux, et nutritionnels.
Nous sommes néanmoins inquiets de la concurrence d’autres secteurs de l’économie bleue dans les zones côtières africaines, et nous continuons à souligner que dans la lutte pour l’accès à l’espace maritime, il faut privilégier la pêche artisanale durable. À cet égard, le comité des pêches du Parlement européen a préparé un rapport d’initiative soulignant ces préoccupations.
Les femmes dans la pêche artisanale doivent subir la concurrence des usines de farine de poisson en Gambie, ou d’autres usines pour l’accès à la terre au Sénégal. Elles luttent courageusement pour trouver des solutions et continuer de subvenir aux besoins de leurs familles. En Côte d’Ivoire, les femmes transformatrices de poisson ont signé une convention avec un promoteur immobilier pour la construction de 500 logements sociaux qui permettront aux transformatrices d’acheter une habitation en location-vente en une dizaine d’années. Au Mali, les femmes transformatrices ont couplé la pisciculture artisanale avec le maraîchage hors-sol pour compléter leur approvisionnement en matière première et elles se préparent à accueillir une dizaine de femmes d’autres pays africains pour partager leurs expériences.
Nous nous réjouissons de la prise de conscience des effets néfastes de l’industrie de la farine de poisson en Afrique de l’Ouest, tant au niveau des grands médias, que des décideurs. En effet, comme l’a affirmé la directrice générale des affaires maritimes et la pêche (DG MARE), Mme Charlina Vitcheva, « la demande accrue d'aliments pour l'aquaculture ne doit pas priver les communautés locales de la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance ». Nous nous réjouissons que d’autres organisations continuent de dénoncer les impacts de la filière de la farine et de l’huile de poisson, comme la fondation Changing Markets, qui travaille à sensibiliser les consommateurs européens sur ces enjeux. La commission de développement du Parlement européen, mais aussi le Conseil Consultatif pour la Pêche lointaine de l’UE ont soutenu notre demande de longue date, que l’UE soutienne la création d’une Organisation régionale de gestion des pêches (ORGP) pour gérer les stocks de poissons partagés en Afrique de l’Ouest.
2021 a vu aussi la transparence dans la pêche s’améliorer, avec plusieurs pays africains qui ont pris des engagements plus ou moins fermes. La publication des premiers rapports de l’initiative pour la transparence des pêches (FiTI) des Seychelles et de la Mauritanie en mai, et même le deuxième pour les Seychelles en décembre, a donné plus de visibilité sur la présence de flottes étrangères dans ces deux pays.
Des tendances nous alarment sur le plan international, à savoir, la place que prennent les multinationales dans les prises de décision et la financiarisation de la conservation de la nature. En juillet, nous avons souligné nos préoccupations par rapport à l’orientation problématique du Sommet des systèmes alimentaires (UNFSS) qui a ouvert les portes à « l'influence indue des entreprises ». Nous continuons d’insister sur la participation des communautés côtières africaines dans la prise de décisions qui les affectent. Nous avons de surcroît commencé une série sur le financement de la conservation et l’économie bleue.
Nous souhaitons que 2022 soit une année de progrès concrets pour la pêche artisanale africaine, à l’occasion de l’Année Internationale de la pêche et l’aquaculture artisanales. Les organisations de pêche artisanale africaines, nous montrent la voie à suivre, et demandent que des progrès soient faits pour :
(1) Un accès sécurisé aux ressources, à travers la création de zones de pêche réservées à la pêche artisanale et cogérées par les communautés locales et de meilleures conditions de sécurité à bord des embarcations.
(2) La promotion de la place des femmes dans la pêche artisanale, au sein des organisations professionnelles et dans la prise de décision. Des investissements sont nécessaires dans les infrastructures, la formation, pour que les innovations portées par les femmes soient couronnées de succès.
(3) Une protection de la pêche artisanale face aux secteurs concurrents de l’économie bleue.
Nous vous souhaitons une bonne année internationale de la pêche et l’aquaculture !
Photo de l’entête : Femmes de la coopérative USCOFEP-CI à San Pedro. Photo par Rich Press.
Dans cet article, l'auteur analyse le rapport principal qui plaide pour une augmentation des financements en faveur de la conservation, Financing Nature, et s'appuie sur des exemples de pêche et de gouvernance des océans pour révéler les failles de ses calculs. L'auteur déplore également le fait que l'accent mis sur l'augmentation des dépenses détourne les discussions essentielles sur les causes profondes de la crise et il dénonce le rapport comme étant un outil au service du financement de la conservation, une publication performative qui présente des opportunités d'investissement privé.