La 36e session du Comité des pêches de la FAO (COFI 36) a été inaugurée par les conclusions du rapport sur la situation mondiale des pêches et de l'aquaculture (SOFIA), qui souligne qu'en 2022, « pour la première fois, l’aquaculture a surpassé la pêche de capture », représentant 51 % de la production totale d'animaux aquatiques.
Cependant, pour les représentants des communautés de pêche artisanale, le problème est que la FAO et les membres du COFI continuent d'éviter d'aborder le problème de la production intensive d'espèces carnivores, qui dépendent d'aliments produits à partir de poissons sauvages. Comme l'a déclaré Felicito Núñez, un pêcheur du Honduras : « Ce modèle n'est pas durable et il ne peut le devenir ».
Malgré la promotion de l'aquaculture, les États continuent de réaffirmer l'importance de la pêche de capture et la nécessité « d'améliorer les mesures de gestion de la pêche ». À cet égard, ils ont insisté sur le rôle du nouveau sous-comité sur la gestion des pêches (COFI:FM) en tant que forum idéal pour discuter et identifier les questions prioritaires, y compris la gestion des pêcheries artisanales. Dans leur Appel à l'action, lancé en 2022, les communautés de pêche artisanale des cinq continents ont demandé la cogestion de toutes les zones côtières. « La pêche artisanale a un rôle central à jouer et sa gestion demande des approches et des outils adaptés », a déclaré Laitia Tamata, coordinateur national du réseau des aires marines gérées localement des Fidji (FLMMA). « Nous, hommes et femmes de la pêche artisanale, demandons la fermeture des zones côtières afin d'assurer un accès prioritaire et des droits fonciers à la pêche artisanale et de réduire l'impact d'autres activités destructrices et polluantes. »
À la suite des débats de la première session du COFI:FM en janvier dernier, une discussion en coulisses du COFI 36 portait sur la définition de la pêche artisanale, celle-ci devenant urgente à la vue des développements sur la gouvernance mondiale des océans, notamment l'accord de l'OMC sur les subventions à la pêche. Toutefois, seuls les représentants de la pêche artisanale ont abordé publiquement la question de la définition de la pêche artisanale dans une déclaration commune : « l'identification des pêcheries artisanales s'avère nécessaire à la mise en œuvre de politiques qui favorisent leur protection et leur développement durable. » Ils ont appelé à une approche telle que celle proposée dans l’étude Porter un nouvel éclairage sur les captures non visibles, qui « permet d'appliquer et de pondérer une série de caractéristiques quantitatives et qualitatives de la pêche [...] afin d'identifier sa nature artisanale ».
La gestion des pêches, un outil essentiel pour plus de durabilité
Les membres de la FAO ont également recommandé que le COFI:FM examine plus en détail les « navires de pêche hauturière qui ne font pas l'objet de procédures de gestion et de contrôle suffisantes » et qui pourraient avoir un impact sur les pêcheries artisanales. Lors d'un échange de vues informel coorganisé par Madagascar et l'Allemagne, M. Paubert Mahatante Tsimanaoraty, ministre malgache de la pêche et de l'économie bleue, a fait part de leurs attentes en matière d'accords d'accès avec les pays pratiquant la pêche lointaine et M. Gaoussou Gueye, président de la plateforme panafricaine des acteurs non étatiques de la pêche (Afrifish-net), a parlé de l'impact de ces accords sur les communautés de pêche artisanale africaines.
Plus tard dans la semaine, les coorganisateurs ont relayé les messages issus de l'échange de vues dans le cadre du Speaker's Corner, une version courte des événements parallèles organisés dans le cadre du COFI 36. M. Gaoussou Gueye a appelé à « harmoniser les conditions minimales d'accès pour garantir une pêche durable et équitable » comme « élément essentiel pour assurer un traitement équitable à toutes les flottes, tout en garantissant les perspectives de développement des communautés de pêche locales ». Les membres de la FAO ont appelé cette dernière à poursuivre ses travaux sur les modalités d'accès pour la pêche en eaux lointaines.
Absente de l’ordre du jour, la pêche artisanale fait entendre sa voix
En ce qui concerne plus spécifiquement la pêche artisanale, les membres de la FAO ont « reconnu l'importance du sommet de la pêche artisanale » qui s'est tenu les trois jours précédents le COFI 36 et ont continué à encourager la tenue de ce sommet tous les deux ans. Cependant, les participants au sommet de la pêche artisanale ont regretté le paradoxe qu'un tel événement – quasi-concomitant au COFI – rassemble des communautés de pêche artisanale du monde entier, sans qu'un seul point à l'ordre du jour du COFI 36 n'aborde la pêche artisanale nommément. Malgré cette absence, la pêche artisanale était bien représentée au COFI : une douzaine d'hommes et de femmes ont pu intervenir sur plusieurs points de l'ordre du jour en enrichissant les débats de leurs points de vue.
Mme Raïssa Madou, transformatrice de poisson en Côte d'Ivoire, est intervenue en tant qu'observatrice lors de la discussion sur le commerce du poisson. Elle a dénoncé le fait que malgré les dispositions consacrant la libre circulation des biens et des personnes, « dans la pratique, il existe encore de nombreuses barrières au commerce régional des produits de la pêche, notamment le harcèlement des femmes sur les sites de transformation, les marchés, le long des routes commerciales et lors des contrôles aux frontières ». M. Nana Kweigyah, un pêcheur du Ghana, est intervenu lors des discussions sur la lutte contre la pêche INN et a demandé à la FAO d'organiser une discussion sur la surveillance participative : « La surveillance participative est vantée depuis plusieurs décennies en Afrique, mais elle n'est pas définie légalement dans la plupart des pays et manque généralement de soutien administratif, logistique et financier. »
Lors d'un Speaker's Corner sur le rôle de la pêche artisanale dans la conservation marine, Mme Djalikatou Cherif Haidara, transformatrice de poisson en Guinée, a rappelé que « nos captures représentent au moins 40 % des captures totales, grâce à des opérations qui se déroulent souvent dans des zones de grande biodiversité. » Elle a lu une déclaration commune dans laquelle les communautés de pêche artisanale demande « une attention particulière lorsqu'il s'agit de déterminer comment intégrer la biodiversité dans la gestion des pêches ». À cet égard, la pêche artisanale salue « l'engagement de la FAO à étendre son soutien aux pêcheries à petite échelle dans leur rôle de gardiennes des ressources » et demande à la FAO de soutenir « les initiatives de conservation existantes et nouvelles basées sur les communautés ».
Photo de l’entête: Le port de pêche artisanale de Cotonou, au Bénin par CAPE.
Dans cet article qui traite du renouvellement du protocole de l’APPD UE-Guinée-Bissau, l’auteure, d’une part, passe en revue les points essentiels de l’accord du point de vue de la pêche artisanale locale et relaye ses demandes et, d’autre part, détaille l’aspect de la durabilité : bien que le protocole ne permette pas aux flottes européennes de pêcher des petits pélagiques en situation de surexploitation, au moins 4 navires d’origine européenne se seraient repavillonés en Guinée-Bissau et pêcheraient ces espèces, mettant à mal la sécurité alimentaire de la région et concurrençant la pêche artisanale.