L'exploitation minière en eaux profondes, destructrice et polluante, ne doit pas recevoir le feu vert, déclare la pêche artisanale

Fin mars 2023, les négociations de l'Autorité internationale des fonds marins (ISA) visant à réglementer l'exploitation minière en eaux profondes dans le monde entier par le biais d'un code minier se sont achevées à Kingston (Jamaïque), sans qu'aucun accord n'ait été trouvé. Le compte à rebours continue donc...

À la mi-2021, Nauru, dans le Pacifique, a déclenché une disposition connue sous le nom de "règle des deux ans", qui permettra de commencer l'exploitation en eaux profondes si le code minier n'est pas prêt dans un délai de deux ans, d'ici à juillet 2023. Pour de nombreux observateurs, cette demande est un moyen d'accélérer l'attribution des contrats d'exploitation en cas d'inaction ou d'absence de progrès dans l'adoption du code minier.

L'UE est présente aux négociations de l'ISA, mais ne joue pas un rôle actif et ne coordonne pas les positions des États membres de l'UE qui sont membres de l'ISA. La position de l'UE concernant l'exploitation des fonds marins a été clairement énoncée dans la stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité : « Dans les négociations internationales, l'UE devrait préconiser que les minéraux marins dans la zone internationale des fonds marins ne puissent pas être exploités avant que les effets de l'exploitation minière en eaux profondes sur l'environnement marin, la biodiversité et les activités humaines aient fait l'objet de recherches suffisantes, que les risques soient compris et que les technologies et les pratiques opérationnelles puissent démontrer l'absence de dommages graves pour l'environnement, conformément au principe de précaution et en tenant compte de l'appel du Parlement européen ». En effet, en juin 2021, le Parlement européen a appelé la Commission européenne et les États membres à promouvoir un moratoire sur l'exploitation minière sous-marine. De plus en plus d'États membres de l'UE soutiennent l'approche de précaution, comme la Finlande, l'Allemagne, l'Espagne et la France, qui ont demandé l'interdiction de l'exploitation minière en eaux profondes.

L'Union européenne n'est pas la seule à s'inquiéter de l'exploitation des fonds marins. La Deep Sea Conservation Coalition (DSCC), qui représente plus de 100 organisations non gouvernementales du monde entier, plaide depuis des années en faveur d'un arrêt de cette industrie émergente, compte tenu des multiples risques environnementaux, sociaux et économiques qui l'entourent. À la suite de la réunion de Kingston, la DSCC a souligné qu'un nombre croissant de pays, dont Vanuatu, Palau, Fidji, les États fédérés de Micronésie, la Nouvelle-Zélande, le Panama, Samoa, l'Allemagne, le Costa Rica, le Chili, l'Espagne, le Panama, l'Équateur et la France, soutiennent une pause, un moratoire ou une interdiction de l'exploitation minière en eaux profondes.

« Compte tenu des impacts potentiels de ces opérations, l’exploitation minière en eaux profondes suscite déjà la “peur bleue” parmi nos communautés de pêche artisanale “. »
— - Déclaration commune de CAOPA (Afrique) et LMMA (Pacifique), organisations de pêche artisanale.

Les acteurs de la pêche de l'UE sont également inquiets, tant pour les impacts sur les pêcheries que pour les impacts sur les écosystèmes fragiles des grands fonds marins. Depuis 2018, le Conseil consultatif de pêche lointaine (LDAC en anglais) a suivi de près les développements et le processus de négociation de l'Autorité internationale des fonds marins en vue d'un code minier. Il a appelé à un moratoire pour une période de 10 ans concernant l'exploitation minière en eaux profondes dans les eaux internationales, conformément à l'approche de précaution.

Ces préoccupations font écho aux craintes des hommes et des femmes de la pêche artisanale, en particulier dans le Pacifique et en Afrique. En juillet 2022, à l'occasion de la précédente réunion de négociation de l'ISA, le réseau des Aires Marines Localement Gérées (LMMA en anglais) et la Confédération Africaine des Organisations Professionnelles de la Pêche Artisanale (CAOPA), représentant les communautés de pêche artisanale d'Afrique et du Pacifique, ont souligné que « [m]ême si l'exploitation commerciale des fonds marins n'a commencé nulle part dans le monde, des contrats d'exploration ont été accordés par l'ISA à plus de 20 compagnies dans les océans Atlantique, Indien, et Pacifique. Compte tenu de l'impact potentiel de ces opérations, elles suscitent déjà la "peur bleue" parmi nos communautés de pêcheurs ».

Leur point de vue n'a pas changé. Au vu des résultats de la réunion de Kingston, M. Gaoussou Gueye, président de la CAOPA, insiste sur le fait que « que ce soit dans les eaux internationales ou dans les ZEE de notre pays, l'exploitation minière en eaux profondes, promue comme faisant partie de l'économie bleue, ne devrait pas être autorisée ou soutenue. Conformément à l'Appel à l'action lancé par la pêche artisanale au cours de l'Année internationale de la pêche artisanale et de l'aquaculture, nous demandons qu'une approche de précaution soit appliquée afin de protéger nos communautés côtières de ces activités destructrices et polluantes ».

Le Conseil de l'ISA doit se réunir à nouveau du 10 au 28 juillet, date d'expiration de la dérogation de deux ans. Pour la DSCC, cette réunion « pourrait s'avérer cruciale dans la course à la défense des grands fonds ».



Photo de l'entête: Photo illustrative de la société Seatools pour un véhicule pilote de collecte de nodules polymétalliques d'Allseas.