Rapport FiTI Seychelles : Recommandations concernant l'accès des flottes d'origine étrangère

Les Seychelles sont le premier pays au monde à avoir officiellement lancé son rapport annuel dans le cadre de l'initiative pour la transparence dans le secteur de la pêche (FiTI).

Le rapport met en lumière des informations clés sur la pêche aux Seychelles, évaluant leur conformité par rapport aux exigences de transparence établies par la norme FiTI, et examine une série de questions, notamment la transparence dans les accords d'accès étrangers, l'application des lois, la pêche à petite et grande échelle et la question du propriétaire bénéficiaire. Le groupe multipartite (MSG) de la FiTI des Seychelles, composé d'un nombre égal de représentants du gouvernement, des entreprises et de la société civile, propose aussi des recommandations aux autorités nationales sur la manière dont la publication d'informations sur ces différentes questions peut être améliorée.

En préambule, Philippe Michaud du Ministère de la Pêche et de l'Economie Bleue des Seychelles (MFBE), et président du MSG national du FiTI, souligne combien la transparence est essentielle pour la participation des parties prenantes : « Cet exercice ambitieux est un témoignage clair de l'importance que les Seychelles accordent à la transparence des pêches maritimes... Il est à espérer que toutes les parties prenantes authentiques (Seychelloises ainsi que nos partenaires internationaux) réaliseront que la prospérité et le développement du secteur de la pêche dépendent de la participation active de tous. Pour ce faire, il est essentiel que les informations soient disponibles, accessibles et complètes ».

Un processus de rapport qui a déjà amené des progrès

Le processus de rapport des informations a déjà, en lui-même, permis d'améliorer la transparence. Des informations qui n'avaient pas été divulguées auparavant sont désormais publiques, notamment les textes de deux accords avec l’Ile Maurice : un accord permettant aux navires mauriciens de pêcher dans les eaux seychelloises et un accord permettant aux navires battant pavillon seychellois de pêcher dans les eaux mauriciennes.

Cependant, le rapport note que les textes des accords d'accès privés signés par les Seychelles avec trois sociétés, - Taiwan Deep-sea Tuna Longline Boat Owners and Exporters Association (TTA), Top Fortune International (TFI), et Dongwon-, ne sont pas publiés. Les deux premiers accords, TTA et TFI, contiennent des articles empêchant les Seychelles de divulguer le contenu des accords sans l'approbation écrite préalable de l'autre partie. Dans le cadre du processus de déclaration FiTI, le gouvernement des Seychelles a annoncé qu'il s'efforcerait de supprimer ces clauses de confidentialité de tout futur accord d'accès à la pêche. Dans le cas de Dongwon, une entreprise également active dans les eaux d'autres pays africains, il semble qu'aucun accord écrit n'existe.

Par ailleurs, si les accords entre les Seychelles et l'UE et entre les Seychelles et Mayotte, l'une des régions ultrapériphériques de l'UE, sont tous deux publiés sur le site internet de l'UE, ils ne le sont pas sur le site du gouvernement des Seychelles. La publication de ces accords par les Seychelles sera une étape importante pour garantir une consultation adéquate des parties prenantes locales.

En 2019, au moment des négociations du dernier protocole d'accord avec l'UE, le président de la Seychelles Fishing Boat Owners Association (SFBOA), Keith André, s'est adressé au Parlement européen pour demander plus de transparence, notamment sur l'utilisation des fonds de l’appui sectoriel de l'accord avec l'UE. Le rapport du FITI confirme que l'utilisation de l’appui sectoriel pour le dernier protocole (2014-2020) a été évaluée, à deux reprises, mais les rapports ne sont pas disponibles publiquement. Dans le cadre du processus de rapport du FITI, le MFBE a indiqué qu'un mécanisme est en cours de mise en place pour « améliorer le suivi de l’appui sectoriel » dans le cadre de l'APPD UE-Seychelles. Une information publique sur les projets financés par l’appui sectoriel permettrait sans aucun doute de sensibiliser le public aux impacts de ces projets et d'améliorer la responsabilité du gouvernement.

Une autre demande clé du secteur de la pêche artisanale locale est depuis longtemps la nécessité d'une meilleure consultation des parties prenantes lors de la préparation, de la négociation ou du suivi des accords d'accès pour des flottes étrangères. Le rapport du FiTI indique que « jusqu'en 2019, toutes les discussions entreprises avant la renégociation et la signature de nouveaux accords d'accès pour les flottes étrangères ont eu lieu principalement au sein du gouvernement. Les représentants des pêcheurs locaux n'ont été consultés que dans certains cas », mais il n'existe aucune trace de ces consultations. La nécessité de progresser dans ce domaine a été identifiée par le MSG national, qui recommande, entre autres, que le MFBE publie, en temps utile, toutes les informations issues des consultations des parties prenantes nationales entreprises dans le cadre de ces accords d'accès pour la pêche étrangère.


En 2019, pendant les négociations de l'accord de pêche Seychelles-UE, les acteurs locaux de la pêche ont demandé plus de transparence concernant l'utilisation des fonds de soutien sectoriel lors d'un événement au Parlement européen. Photo : Joëlle P…

En 2019, pendant les négociations de l'accord de pêche Seychelles-UE, les acteurs locaux de la pêche ont demandé plus de transparence concernant l'utilisation des fonds de soutien sectoriel lors d'un événement au Parlement européen. Photo : Joëlle Philippe/CAPE.

La pêche passe inaperçue, la pêche artisanale invisible

Le rapport du FiTI souligne que la chaîne de valeur de la pêche aux Seychelles, de la capture à la transformation, est l'un des principaux piliers de l'économie du pays, crucial aussi pour la sécurité alimentaire et la création d'emplois. Toutefois, le rapport indique également que, « sur la base des informations officielles publiées par le gouvernement, la contribution au PIB du secteur de la pêche aux Seychelles est étonnamment faible », ne représentant en 2019 que 0,9 % du PIB total. « Une explication à cela est que la production de thon en conserve n'est pas prise en compte dans le calcul de la contribution de la pêche au PIB » Un autre problème est le manque de données spécifiques à la pêche, car « les statistiques officielles sur l'emploi regroupent les données relatives à l'agriculture, à la sylviculture et à la pêche ». En outre, « ces statistiques ne tiennent pas compte de l'emploi dans les industries et services liés à la pêche, tels que la conserverie de thon, les entreprises du contrôle de la qualité ou le personnel gouvernemental employé par la SFA [Seychelles Fisheries Authority, ed.] et la MFBE ».

Le secteur de la pêche artisanale a reçu encore moins d'attention : le nombre de licences dans la pêche artisanale aux Seychelles n'est pas publié, et « les informations qui ont été fournies dans le cadre de ce processus de rapport FiTI ne peuvent pas être considérées comme complètes ». Il n'existe pas non plus d'évaluations ou d'audits actualisés des contributions économiques, sociales et de sécurité alimentaire de ce secteur aux Seychelles.

Naturellement, le MSG considère qu'il s'agit là d'une importante lacune à combler en matière de connaissances. Disposer de telles informations concernant, par exemple, le secteur de la pêche artisanale au thon aiderait les Seychelles à évaluer la contribution de cette pêche à petite échelle à l'économie et aux moyens de subsistance, et à contribuer plus pleinement aux travaux en cours de la CTOI visant à mieux documenter les aspects socio-économiques de la pêche au thon dans la région.

Combien le contribuable paie pour l'accès des navires de l’UE à la ZEE des Seychelles ?

Le rapport FiTI donne un aperçu des activités de pêche industrielle dans les eaux des Seychelles, notamment par les flottes de pêche en eaux lointaines. Pour 2019, il y avait 248 navires industriels autorisés à pêcher dans les eaux seychelloises. Parmi ceux-ci, 186 (75 %) étaient des palangriers, 45 (18 %) des senneurs et 17 (7 %) des navires de ravitaillement. Les principaux pays pratiquant la pêche lointaine étaient Taiwan (84 navires - palangriers), la Chine (44 navires), l'Espagne (21 navires, senneurs) et la France (14 navires, senneurs). Le MSG national a constaté que les Seychelles ne disposent pas d'un registre en ligne des navires industriels autorisés à pêcher dans leurs eaux. Toutefois, dans le cadre du processus de déclaration FiTI, la SFA a indiqué qu'elle travaillait actuellement à la mise en place d'un registre en ligne de ces navires et d'une base de données des licences pour l'enregistrement des navires étrangers et locaux. Il est prévu de rendre ce registre en ligne public.

En ce qui concerne les captures, les captures annuelles conservées par les navires battant pavillon étranger sont estimées à environ 300 000 Mt, bien que cette information soit jugée « très incomplète », car la pêche palangrière industrielle fournit des données très partielles sur les captures et ne fournit aucune donnée sur les rejets. À ce sujet, le MSG demande que la SFA publie en priorité toutes les informations manquantes sur les captures, les débarquements et les transbordements de la pêche palangrière industrielle, ainsi que les données sur les rejets de toutes les flottes.

Par rapport aux les revenus provenant des bateaux industriels battant pavillon étranger, le rapport montre que les navires de l'UE pêchant dans le cadre de l’APPD paient beaucoup moins que les autres navires battant pavillon étranger et les navires battant pavillon local. Par exemple, une licence de pêche à la palangre industrielle pour les navires locaux et étrangers (hors UE) coûte par an entre 20 125 et 24 000 USD. Pour un palangrier de l'UE pêchant dans le cadre de l'accord de pêche, elle coûte entre 8 000 et 11 000 USD. Dans le cas des senneurs, une licence de pêche pour senneur battant pavillon étranger [hors UE] coûte par an entre 110 000 et 120 000 USD, tandis que pour un senneur de l'UE pêchant dans le cadre de l'accord, il coûte 63 000 USD. Bien sûr, comme le note le rapport, « dans le cas de l'accord avec l'Union européenne, les frais de licence de pêche étrangère (à la charge des armateurs) sont complétés par une contribution financière globale supplémentaire. Pour 2019, l'Union européenne a payé un montant annuel de 2 500 000 euros pour l'accès à la ZEE des Seychelles, et un montant supplémentaire de 2 500 000 euros pour le soutien et la mise en œuvre de la politique sectorielle de la pêche et de la politique maritime des Seychelles ». Il est probable que le revenu global de l'accord de pêche de l'UE (redevance des opérateurs et contribution de l'UE) soit comparable, pour les Seychelles, au revenu fourni par l'octroi de licences à d'autres flottes de pêche lointaine. Mais il est clair que l'accès des flottes thonières de l'UE aux eaux seychelloises est largement financé par l'argent des contribuables européens, ce que la société civile remet en question.

La question des bénéficiaires effectifs fait l'objet d'une attention mondiale croissante. Dans le domaine de la pêche, elle est liée à toute une série de préoccupations politiques, notamment la lutte contre la pêche INN et la corruption. Photo : Rassin Vannier, Seychelles News Agency/Wikimedia Commons.

La question des bénéficiaires effectifs fait l'objet d'une attention mondiale croissante. Dans le domaine de la pêche, elle est liée à toute une série de préoccupations politiques, notamment la lutte contre la pêche INN et la corruption. Photo : Rassin Vannier, Seychelles News Agency/Wikimedia Commons.

Qui profite en définitive de la pêche aux Seychelles ?

Le rapport souligne que la transparence des bénéficiaires effectifs « est un sujet qui retient l'attention au niveau mondial : dans le secteur de la pêche, la demande de transparence de la propriété effective est liée à une série de préoccupations politiques. Les plus remarquables étant la lutte contre la pêche illégale et la corruption, mais cela inclut également les efforts pour exposer l'étendue de l'évasion fiscale, de la concentration économique et de la propriété étrangère dans le secteur ».

Le FiTI souligne qu'au moment de la réalisation du rapport, il n'existait pas de base juridique pour la transparence concernant la propriété effective aux Seychelles, ni de registre public des propriétaires bénéficiaires. Cependant, les choses sont en train de changer : en mars 2021, le MFBE a lancé le processus visant à déterminer une politique et des procédures de mise en œuvre pour la transparence des bénéficiaires effectifs concernant les entreprises impliquées dans le secteur de la pêche. Les informations obtenues du MFBE suggèrent qu'une approche suivant les meilleures pratiques internationales sera appliquée, pour que les informations sur les bénéficiares effectifs soient fournies dans le cadre de l'enregistrement des navires ou des demandes de licence. Le MSG insiste sur le fait que cet exercice « devrait être basé sur un processus participatif et transparent, impliquant toutes les parties prenantes authentiques au niveau du gouvernement, de la pêche industrielle et artisanale, et de la société civile ».

Plus de transparence des flottes étrangères et plus de visibilité pour la contribution des pêcheries locales 

Pour ce premier rapport FiTI, les recommandations du groupe multipartite (MSG) des Seychelles tendent à se concentrer sur deux sujets principaux. Une première série de recommandations vise à rendre plus transparentes les activités des flottes d’origine étrangère, qu'elles accèdent aux eaux seychelloises par le biais d'un accord bilatéral, d'un accord privé ou d'un re-pavillonnement, avec un propriétaire effectif étranger. Les parties prenantes demandent que toutes les informations concernant ces opérations - les textes des accords, les évaluations des impacts, les captures et les sous-captures effectuées par ces flottes, etc. - soient rendues publiques, comme première étape vers une consultation informée des parties prenantes concernant la signature de ces accords ou le pavillonnement de ces navires étrangers.

Un deuxième sujet important abordé dans les recommandations est la nécessité de générer et de collecter toutes les informations qui rendront visibles les contributions économiques, sociales et de sécurité alimentaire de la pêche locale, en particulier le secteur à petite échelle, à la société seychelloise. Commencer à combler ce manque d'information pour le prochain rapport FiTI, qui devrait être soumis fin 2021, serait un hommage approprié à l'Année internationale de la pêche artisanale et de l'aquaculture, qui sera célébrée en 2022.



Photo de l’entête: Lawrence Hislop.