Alors que le Sénégal célèbre la passation de pouvoir au Palais présidentiel le 3 avril 2024, beaucoup s’interrogent sur l’impact des politiques du jeune Président Bassirou Diomaye pour la pêche artisanale, un secteur qui occupe une position prépondérante dans l’économie du pays.
Dans une prise de position, l’Association pour la promotion et responsabilisation des acteurs de la pêche artisanale maritime (APRAPAM) commente le programme électoral du gouvernement fraîchement élu pour la pêche et l’aquaculture, notamment la nécessité urgente de plans d’aménagement pour certaines pêcheries clés, de plus de transparence dans l’attribution de licences de pêche industrielle, d’une zone côtière d’exclusion pour la pêche artisanale et de développer une pêche thonière artisanale.
Dans cette prise de position, APRAPAM remarque que « la pêche de petits pélagiques est une source d’emplois et revenus pour les populations, et en particulier les femmes transformatrices, qui le commercialisent dans toute la région » et signale son incompréhension face au fait que le gouvernement veuille encourager « la production d’aliments de poissons au niveau local à travers la mise en place d’unités industrielles », alors que les ressources halieutiques utilisées dans la production d’huile et de farine de poisson – les petits pélagiques – sont fortement surexploitées. Ils martèlent : « Il faut une approche cohérente permettant de diminuer la pression sur nos ressources et de les réserver à l’alimentation humaine ».
Par ailleurs, APRAPAM remarque que le Sénégal a pris depuis 2016 l’engagement de se joindre à l’initiative pour la transparence dans les pêches (FiTI), mais qu’il « devrait joindre les actes à la parole, notamment en publiant régulièrement la liste de bateaux autorisés à pêcher » dans ses eaux. « Le poisson appartient à tous les sénégalais et il est juste que tous nos citoyens sachent quelles compagnies, de quelle origine, ont pris notre pavillon pour pêcher au Sénégal et même parfois, dans toute la région ». Il propose que la Commission d’attribution des licences passe d’être consultative à délibérative et qu’elle ait une proportion plus élevée de représentants des parties prenantes du secteur de la pêche.
Bien que selon le Code de la pêche maritime (2015), le Sénégal peut réserver « certaines zones à l'exploitation par les pêcheurs artisans », celui-ci n'a jamais établi de zone réservée à la pêche artisanale. Le programme de Diomaye propose d’établir « la zone 12 milles marins (12 miles) à l’exercice exclusif de la pêche artisanale. Cette réforme majeure vise à protéger la pêche artisanale et les professionnels artisans de l’incursion des bateaux de pêche industrielle ». APRAPAM s’en félicite et insiste sur l’importance de mieux définir et soutenir la surveillance participative, « vantée depuis des décennies » mais manquant « généralement de soutien administratif, logistique et financier ».
Finalement, APRAPAM questionne la proposition du gouvernement de suspendre l’accord de pêche avec l’Union européenne. Ils expliquent le fonctionnement d’allocation de quotas de thonidés au niveau régional et que les thons qui migrent au travers les eaux sénégalaises « n’appartiennent pas au Sénégal » : « S'il n'y avait pas d'accord avec le Sénégal, les bateaux européens continueraient à pêcher ce thon en dehors des eaux sénégalaises, lorsque ceux-ci nagent en haute mer ou dans les ZEE des pays voisins avec lesquels l'UE a conclu un accord, et le Sénégal ne recevrait aucune compensation financière ». Pour APRAPAM, le développement d’une flotte thonière avec le repavillonnement de navires d’origine asiatique ne rassure pas les acteurs du secteur. Ils concluent : « Ne serait-il pas préférable que le Sénégal se concentre sur le développement d'une pêche thonière artisanale durable dans ses eaux, plutôt que de laisser la pêche thonière entièrement aux mains d'acteurs étrangers, européens ou asiatiques ? »
Photo de l’entête: La plage et site de débarquement de pêche artisanale à Kafountine (Casamance, Sénégal), par Agence Mediaprod.
A la suite de l'émission d'un carton jaune au Sénégal de la part de l'Union européenne (UE), les négociations de l'accord de pêche entre l'UE et le Sénégal sont au point mort. Avec le carton jaune du Sénégal, les négociations de l'accord de pêche entre l'UE et le Sénégal sont au point mort. Au même moment, l'UE négociera le renouvellement de son APPD avec la Gambie, dont les eaux sont bordées de part et d'autre par celles du Sénégal. Comment les flottes de l'UE vont-elles utiliser l'accès aux eaux gambiennes, alors qu'elles risquent de se voir interdire l'accès aux eaux sénégalaises ?