Les femmes transformatrices ivoiriennes continuent d’alerter des effets de la pandémie sur la chaîne de valeur du poisson et appellent à l’aide leur gouvernement et l’Union européenne
« Si les pêcheurs artisans et les femmes transformatrices ne sont pas aidées rapidement, c'est le déclin de tout le secteur », prévient Micheline Dion, représentante des femmes transformatrices de Côte d’Ivoire regroupées dans la coopérative USCOFEP-CI. « Cela affectera aussi les perspectives à long terme pour la sécurité alimentaire du pays ». La semaine dernière, l’USCOFEP-CI a fait un point de presse pour expliquer comment les mesures pour lutter contre la pandémie affectent la filière de la pêche artisanale.
Une mesure particulièrement difficile pour les femmes est le système de rotation de visites au port pour acheter la matière première à transformer : habituées à accéder au port tous les jours, elles ne peuvent y accéder que toutes les deux semaines, pour éviter les attroupements. Une mesure impraticable si l’on compte qu’elles n’ont pas les moyens pour acheter du poisson à transformer pour 15 jours.
Aujourd'hui, la pêche artisanale fournit une quantité non négligeable de poisson à la population, source de protéines et d’acides aminés essentiels. Mais la fermeture de certains marchés et restaurants complique tout. Dans les « garbadrômes », restaurants où l’on sert du thon transformé « garba », les clients se font rares suite aux mesures de distanciation sociale. Les stocks de poisson transformés ne sont pas écoulés, le thon reste invendu. Les difficultés de distribution, avec les restrictions aux mouvements, s’y ajoutent. Les femmes d’USCOFEP-CI proposent : « Si le gouvernement pouvait fournir une camionnette aux coopératives ou s’il pouvait acheter le produit transformé et le distribuer aux nécessiteux… », c’est une demande qu’ont aussi fait d’autres femmes transformatrices dans la région, comme au Sénégal.
Par la suite, reste la question des sorties en mer, préfinancées en grande partie par les femmes. Si elles n’ont plus de clients ou de revenus, elles ne peuvent plus payer le carburant. Même si le couvre-feu a été assoupli (il commence à 23h maintenant), nombreux sont les pêcheurs qui restent à terre. Il y a ainsi encore moins de poisson disponible. « Si nous ne sommes pas aidées, la Côte d'Ivoire importera encore plus que les 400.000 tonnes actuelles, car tout le secteur de la pêche artisanale sera dévasté », explique Mme Dion. « Il y a déjà une vraie crise alimentaire dans la pêche artisanale, et avant même de penser à investir dans des kits d'hygiène, les femmes transformatrices doivent d'abord penser chaque jour à nourrir leur famille. »
L’USCOFEPCI a interpellé le gouvernement mais aussi les partenaires du pays dans le secteur de la pêche, notamment l'Union européenne : « Nous avons pris fait et cause pour l'Union européenne au travers de l’Accord de Partenariat pour une pêche durable», continue Micheline Dion, « car il y a de la transparence dans leur accord de partenariat, les communautés ont été informées et certaines mesures de l'accord, comme l'appui sectoriel ou l'encouragement des débarquements de faux thon pour les femmes transformatrices, peuvent nous aider ». Mais pour le moment, elles ne voient aucune action concrète. « Avec la crise que nous connaissons, l'UE ne peut pas rester les bras croisés et garder le silence », tranche-t-elle.
Le plan d’action d’USCOFEP-CI pour garantir que les femmes transformatrices puissent survivre à la crise du Covid et pérenniser leurs activités a été partagé avec le gouvernement ivoirien ainsi qu’avec les partenaires de l’Union européenne.
Source et photo de l’entête: USCOFEP-CI.
Le rapport annuel des exportations de produits halieutiques confirme la tendance: le Sénégal devient, après la Mauritanie et la Gambie, un des pays qui favorise la production et l’exportation de farine et d’huile de poisson au détriment de la nutrition de sa population.