Pour que l’accord contribue efficacement aux Objectifs de Développement Durable, il est essentiel que les prochaines négociations, avant la treizième conférence ministérielle, se focalisent la principale menace à la pêche artisanale en Afrique : la surpêche et la surcapacité, surtout par le biais des navires d’origine étrangère.
La pêche artisanale africaine à la pointe du combat contre les sociétés de pêche industrielle prédatrices et opaques
Quelle est la taille de la flotte chinoise de pêche lointaine ?
Le dernier rapport de l'ODI présente l'ampleur de la flotte de DWF sous pavillon chinois, appartenant et/ou exploitée par des entreprises chinoises et met en évidence les défis en termes de capacité de gouvernance, mais la méthodologie et les chiffres doivent être pris avec prudence. CAPE, à l'aide d'exemples spécifiques, passe en revue les principales conclusions et implications pour la région de l'Afrique de l'Ouest.
Revue du nouveau rapport de Greenpeace: 'Arnaque sur les côtes africaines'
Un rapport publié aujourd'hui par Greenpeace expose les fraudes massives impliquant des sociétés chinoises de pêche en Afrique de l'Ouest, pêchant avec des bateaux battant pavillon chinois ou bien avec des bateaux sous sociétés mixtes.
Les informations obtenues par Greenpeace, principalement au Sénégal, en Guinée-Bissau et en République de Guinée (Conakry), montrent que la plus grande compagnie de pêche lointaine chinoise, la China National Fisheries Corporation (CNFC), ainsi que d’autres entreprises chinoises de la pêche, ont systématiquement sous-déclaré le tonnage de leurs navires de pêche depuis des années.
La sous déclaration du tonnage des navires, c’est de la pêche illégale, selon la législation des États côtiers et des Etats du pavillon impliqués, ainsi que dans les termes du Plan d'Action International pour prévenir, décourager et éliminer la pêche INN de la FAO. Selon Greenpeace, cette forme généralisée de fraude dure depuis près de 30 ans et implique des responsabilités à différents niveaux, en Chine et dans les pays côtiers concernés.
Greenpeace a calculé que, de 2000 à 2014, CNFC a sous-déclaré le tonnage de ses navires aux autorités sénégalaises de 43 % en moyenne par an, par rapport à leur tonnage réel. En 2014 seulement, CNFC a frauduleusement caché un total de 1742 GT.
Cette pratique frauduleuse par la compagnie CNFC s’est produite aussi en Guinée Bissau et en Guinée, et implique d'autres sociétés chinoises. Pour 59 navires de la CNFC qui pêchent au Sénégal, en Guinée-Bissau et en Guinée en 2014, les preuves trouvées montrent que le tonnage de 44 navires était sous-déclaré. Au total, c’est 6757.7 GT qui ont été cachés aux États côtiers, ce qui équivaut à 22 navires de pêche industrielle supplémentaires dans leurs eaux, d'une capacité chacun de 300 GT.
Comme les droits de licence sont calculés sur la base du tonnage des bateaux, les entreprises qui sous-déclarent le tonnage de leurs bateaux privent les gouvernements des États côtiers de revenus. Par exemple, au Sénégal, cette fraude a représenté un manque à gagner estimé pour le Sénégal à au moins 371,404,800 Francs CFA (566 203 euros) en droits de licence, que la compagnie CNFC a évité de payer au cours de la période 2000 - 2014[1].
Cette fraude a aussi permis à ces navires industriels d'accéder aux lieux de pêche de pêcheurs artisanaux locaux où ils ne devraient pas pêcher, comme c'est le cas au Sénégal.
La fraude au tonnage signifie également que la capacité de pêche réelle déployée est beaucoup plus élevée que ce qui est autorisé, ce qui sape les efforts de gestion et de conservation des États côtiers, comme en témoigne l'accord CNFC et la Guinée-Bissau. Selon les termes et conditions prévus par l'accord de pêche signé entre la compagnie CNFC et la Guinée-Bissau en 2010, il apparaît que, dans la première moitié de 2014 seulement, la capacité de pêche réelle des navires CNFC a dépassé la limite de la capacité autorisée de 61 %.
Le degré de fraude au tonnage soulève également la question de la proportion des captures de la CNFC et des autres sociétés qui étaient illégales. Considérant que poissons pris par ces entreprises chinoises a été vendu, entre autres, sur les marchés européens, cela met en évidence les manquements dans les efforts actuels de l'UE pour arrêter le commerce du poisson venant de la pêche INN.
Greenpeace conclut en soulignant qu'il est urgent que les Etats, tant les états du pavillon que les états côtiers, enquêtent sur la fraude au tonnage par les sociétés de pêche chinoises, ainsi que la fraude potentielle par d'autres sociétés de pêche industrielle dont les navires pêchent dans leurs ZEE, que ce soit des navires battant pavillon étranger ou locaux. En outre, tous les États concernés devraient procéder à une évaluation complète et publier les listes des navires de pêche opérant dans leurs eaux et/ou sous leur pavillon.
NOTES
[1] Ces chiffres sont sans doute sous-estimés car il inclut uniquement les données pour 15 des 30 années d'opérations CNFC au Sénégal seul et que la partie des navires pour lesquels GT pourrait être estimée.
Consultez le rapport en pdf.
Analyse des impacts de la convention Poly Hondone Pelagic Fishery-Mauritanie
Présentée comme un modèle pour la promotion d’activités à forte valeur ajoutée permettant de tirer profit de ressources pélagiques abondantes et à faible valeur marchande, le programme d’investissement, tel que repris dans la Convention entre le groupe chinois POLY-HONDONE PELAGIC FISHERY et la Mauritanie, signée en Juin 2011, cible en priorité les démersaux, en particulier le poulpe, ce qui va à l’encontre de la politique sectorielle, centrée, à travers le plan d’aménagement, sur la réduction de l’effort de pêche.
Mise en place alors que les négociations de l’Accord de partenariat pêche entre la Mauritanie et l’UE commencent, cette convention avec le groupe chinois ne fait que renforcer le scepticisme de certains vis à vis de notre politique de pêche. Pour eux, le retrait possible des céphalopodiers européens sera suivi de l’introduction d’autres bateaux de pêche étrangers peu regardants quant à la durabilité des pêches. Ce sentiment est conforté par certaines décisions récentes, comme celle d’autoriser le chalut boeuf, qui ne semble pas refléter le souci de bonne gestion avancé pour interdire la chaîne racleuse utilisée par les crevettiers européens.
Mauritanie : la société civile et les professionnels de la pêche se prononcent sur les accords de pêche avec l’UE et la Chine
Ces derniers jours, la société civile mauritanienne et les professionnels du secteur de la pêche ont pris position par rapport aux négociations en cours entre l’Union européenne et la Mauritanie concernant le futur partenariat de pêche, ainsi que sur la convention d’investissement dans le secteur de la pêche qui vient d’être signée par la Mauritanie avec un groupe chinois, Poly-Hondone Pelagic Fishery. Une trentaine de représentants de la société civile et des professionnels de la pêche se sont réunis le 12 juin à Nouakchott, à l’invitation de l’ONG mauritanienne Pêchecops, avec l’appui de CAPE, pour discuter des enjeux de ces accords.
Les participants se sont d’abord félicités de la résolution prise, en mai 2011, par le Parlement Européen, qualifiée d’évolution positive dans les relations nord-sud. Les recommendations de la rencontre ont d’ailleurs fait écho à cette résolution, demandant la réduction de l’effort de pêche sur les côtes mauritaniennes (en particulier en limitant l’exploitation de certaines espèces comme les céphalopodes, aux flottes locales), l’implication effective de la société civile mauritanienne et des professionnels dans tout le processus de négociation et de mise en oeuvre des accords, le renforcement du dialogue et de la coopération entre les parties prenantes européennes et mauritaniennes, etc.
La récente convention d’établissement entre l’Etat mauritanien et la société chinoise Poly-Hondone Pelagic Fishery a aussi été débattue, et les acteurs de la société civile et des professionnels présents s’y sont opposés. Les représentants de la Fédération nationale des pêches ont estimé que cette convention vient aggraver la situation économique déjà précaire des opérateurs nationaux. L’attribution par cette convention de dizaines de licences de pêche de fond (chalutiers, caseyeurs, palangriers, fileyeurs et divers pêcheries expérimentales - voir protocole d’accord) vient accroître dangereusement la pression sur les ressources halieutiques et va mettre en péril le secteur mauritanien. Ils ont souligné que c’est dans ce sens que le Parlement Européen a d’ailleurs demandé que les négociations pour le renouvellement de l’accord de Pêche avec l’UE ne portent que sur les stocks excédentaires qui ne peuvent être pêchés par les flottes locales.
Plus d’informations:
Recommandations de l’atelier PECHECOPS/CAPE
Communiqué de presse atelier PECHECOPS/CAPE
Sources: