En pleine crise du Coronavirus, le comité consultatif sénégalais pour l'attribution des licences de pêche a été consulté par courrier électronique. Plusieurs organisations soulèvent des questions de durabilité et avertit que la situation pourrait mettre en danger les moyens de subsistance des communautés de pêche artisanale
Plusieurs acteurs de la pêche sénégalaise, dont des pêcheurs artisanaux, des armateurs industriels et des organisations de la société civile[1], ont protesté contre l'intention de leur gouvernement de délivrer 52 licences de pêche à des navires d'origine chinoise et 2 à des senneurs turcs. Alors que le pays est confronté à des restrictions liées à l'épidémie de Covid-19, le ministère a consulté par courrier électronique la Commission consultative d'attribution de licences de pêche (CCAL), un organisme où sont représentés les principaux acteurs de la pêche. Il s'agit de la plus grande liste de navires à demander des licences en une seule fois.
APRAPAM, une organisation de la société civile sénégalaise, a publié une déclaration en soulignant que si ces licences sont accordées, cela augmenterait la pression de pêche, menacerait la durabilité ainsi que les moyens de subsistance des communautés de pêche artisanale qui souffrent déjà des restrictions mises en place pour lutter contre l'épidémie de Coronavirus. Parallèlement, la pêche artisanale (CONIPAS) a envoyé une lettre au ministre de la pêche pour demander le report de l'examen des licences en exprimant plusieurs préoccupations concernant la procédure mais aussi les demandes de licences en elles-mêmes. Les armateurs sénégalais (GAIPES) ont également envoyé une lettre ouverte au ministre, soulignant des préoccupations similaires. En effet, 15 navires d'origine chinoise et 2 senneurs turcs ont demandé une licence pour pêcher les petits pélagiques, une ressource déjà surexploitée, en particulier la sardinelle, qui est une ressource clé pour la pêche artisanale et un aliment de base dans toute l'Afrique de l'Ouest. Il y a également 36 demandes de licence pour le merlu, une ressource surexploitée qui est d'ailleurs partagée avec d'autres pays de la région.
Pour ces navires, l'obtention d'une licence est une condition sine qua non pour devenir "sénégalais" (sous pavillon sénégalais) dans le cadre d'une société mixte. L'APRAPAM souligne que cela signifie que 51% du capital doit être détenu par un ressortissant sénégalais. Cependant, le CONIPAS questionne “comment une société ayant un capital social de 100 000 francs [NdA: plus ou moins 150€] peut détenir un bateau pouvant couter 1 milliard ?”. APRAPAM déclare n'avoir "aucun doute sur la véritable nationalité de ces bateaux, que nous considérons comme des bateaux étrangers", et souligne que ces bateaux sont nouveaux dans les eaux sénégalaises et que certains d'entre eux ont un passé de non-conformité.
Notes :
[1] Les organisations qui ont fait part de leurs préoccupations sont les suivantes :
La société civile sénégalaise, APRAPAM : Association pour la promotion et la responsabilisation des acteurs de la pêche artisanale maritime.
Les pêcheurs artisanaux sénégalais, CONIPAS : Conseil interprofessionnel de la pêche artisanale au Sénégal.
Industrie de la pêche sénégalaise, GAIPES : Groupement des armateurs et industriels de la pêche au Sénégal.
[2] Photo de l’entête : site de l'APRAPAM.
Plus d'informations :
Liste des navires demandant une licence de pêche au Sénégal
Déclaration de l'APRAPAM, organisation de la société civile sénégalaise
Lettre du CONIPAS, représentant de la pêche artisanale sénégalaise
Lettre ouverte de GAIPES, l'association des armateurs et des professionnels de la pêche du Sénégal