Le 9 décembre 2022, l'Assemblée générale des Nations unies (AGNU) a adopté sa résolution annuelle sur la viabilité des pêches. Comme les années précédentes, elle est sortie à un moment où beaucoup sont déjà d'humeur à célébrer la fin de l'ancienne année et le début de la nouvelle.
Pour les hommes et les femmes de la pêche artisanale du monde entier, 2022 n'était pas une année comme les autres : c'était l'Année internationale de la pêche et de l'aquaculture artisanales (IYAFA), l'occasion de mettre en valeur leur potentiel et leur diversité et de souligner comment ils peuvent contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. Comment les priorités de la pêche artisanale ont-elles été reflétées dans la résolution 2022 de l'Assemblée générale des Nations unies - un document qui, bien qu'il ne soit pas contraignant, donne une indication de la volonté de la communauté internationale de s'attaquer aux problèmes urgents ?
Le travail de la FAO durant IYAFA est loué
Avec d'autres questions d'actualité, telles que la gestion de la pêche de fond et les impacts du changement climatique sur les pêches, la pêche artisanale a clairement laissé sa marque sur la résolution de l'AGNU de 2022, qui encourage les États à « reconnaître l'importance et le rôle de la pêche à petite échelle, artisanale et de subsistance et à soutenir sa durabilité environnementale, économique et sociale à long terme ».
Dans ce contexte, l'AGNU a salué les efforts inlassables de la FAO au cours de l'Année internationale, se félicitant de la création d'un sous-comité sur l'aménagement des pêches au sein du Comité des pêches de la FAO (COFI). Cette initiative a également été saluée par la Confédération africaine des organisations professionnelles de la pêche artisanale (CAOPA), qui a insisté pour que ce sous-comité facilite un dialogue permanent entre les organisations de pêche artisanale et les gouvernements. La participation active des communautés de pêche artisanale aux travaux de ce nouvel organe sera au cœur de la mise en œuvre efficace et réussie des lignes directrices sur la pêche artisanale dans toutes ses composantes - sociales, économiques, culturelles, environnementales.
« QUE VOULONS-NOUS ? LA COGESTION !"
Faisant écho à l'appel de la pêche artisanale en faveur d'une participation à la gestion des pêches, l'AGNU a exhorté les États « à prévoir la participation des parties prenantes de la pêche à petite échelle à l'élaboration des politiques et aux stratégies de gestion des pêches », les encourageant « à envisager de promouvoir, le cas échéant, des systèmes de gestion participative de la pêche à petite échelle conformément aux lois, réglementations et pratiques nationales, ainsi qu'aux Directives volontaires pour assurer la viabilité des pêches à petite échelle ».
L'AGNU a apporté son soutien à une autre demande clé de la pêche artisanale : protéger les droits d'accès des pêcheurs artisans aux pêcheries côtières, en fermant les zones côtières à la pêche industrielle. En effet, elle exhorte les États et les autres organismes compétents à envisager des mesures de gestion des pêches telles que « des saisons fermées et des zones réservées à certaines pêches, notamment artisanales ».
L'information et la participation des hommes et femmes de la pêche artisanale aux processus décisionnels nécessitent d'importantes ressources humaines et techniques - la participation à la gestion a un prix élevé. Pour y remédier, l'AGNU encourage « les États, les institutions financières internationales et les organisations et organes intergouvernementaux compétents à renforcer les capacités et l'assistance technique des pêcheurs, en particulier des petits pêcheurs et des pêcheurs artisans, dans les pays en développement, compte tenu du fait que la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance peuvent dépendre de la pêche ».
L'ONU VOIT UN AVENIR RADIEUX POUR L'AQUACULTURE, MAIS RESTE ÉVASIVE QUANT À SON CÔTÉ SOMBRE
La résolution de l'AGNU met traditionnellement l'accent sur le rôle du poisson et des produits de la pêche dans la nutrition et la sécurité alimentaire, notant en particulier l'importance de la disponibilité d'aliments hautement nutritifs pour les populations à faible revenu - ce qui est, dans la plupart des pays en développement, un rôle joué par la pêche artisanale.
Afin de promouvoir la diversification de l'approvisionnement alimentaire, l'AGNU se fait le champion de l'aquaculture, mais reste très prudente quant à la dénonciation des menaces sur la sécurité alimentaire que représente l'aquaculture intensive dépendant de la farine de poisson, en raison de l'exploitation des petits pélagiques pour la farine de poisson plutôt que pour la consommation humaine directe. La résolution reconnaît certes « l'importance des espèces marines occupant les niveaux trophiques inférieurs dans l'écosystème et pour la sécurité alimentaire, et la nécessité d'assurer leur durabilité à long terme », mais se contente d'encourager les États « à analyser, le cas échéant, l'impact de la pêche sur les espèces marines correspondant aux niveaux trophiques inférieurs » et se félicite du lancement, par la FAO, de nouvelles études sur l'impact des activités de pêche industrielle sur les espèces correspondant aux niveaux trophiques inférieurs.
Lisez aussi
L'impact de l'aquaculture dépendant de la farine de poisson sur les pêcheries et les communautés de pêche est un sujet qui devra impérativement être abordé dans les futures directives de la FAO pour une aquaculture durable (GSA).
LE RÔLE DES FEMMES EST RECONNU, AUCUNE ACTION SPÉCIFIQUE N'EST PROPOSÉE
Les femmes jouent un rôle central dans la pêche artisanale. Cependant, elles ne figurent pas en bonne place dans le texte de l'AGNU, qui rappelle principalement l'engagement pris par les États, dans "L'avenir que nous voulons", de garantir l'accès à la pêche et aux marchés aux pêcheurs de subsistance, aux petits pêcheurs et aux pêcheurs artisans, ainsi qu'aux travailleuses de la pêche. La résolution soulève cependant un problème important auquel sont confrontées les femmes dans la pêche artisanale : « le manque d'accès à la protection sociale et l'inégalité des chances en matière d'emploi ».
Où est l'économie bleue ?
Les pêcheurs artisans ont formulé l'expression "peur bleue", pour signifier qu'ils se sentent menacés par des secteurs plus puissants de l'économie bleue, tels que le secteur de l'énergie (exploitation offshore du pétrole et du gaz, exploitation minière en eaux profondes, etc.) L'Assemblée générale des Nations unies n'aborde pas le sujet des conflits potentiels entre la pêche et les autres secteurs de l'économie bleue - une recherche rapide révèle que même le mot "bleu" est totalement absent du texte.
La résolution aborde toutefois légèrement le sujet lorsqu'elle soulève la question de la pollution sonore des océans, qui provient d'activités humaines telles que la navigation commerciale, les études sismiques et l'exploration pétrolière, et qui menace gravement la vie marine. L'Assemblée générale des Nations unies reconnaît que ce "bruit sous-marin anthropique" peut avoir des répercussions sur différentes espèces marines, ce qui peut également avoir des conséquences socio-économiques, notamment sur la pêche. Elle se félicite en outre des efforts en cours pour accroître les connaissances scientifiques sur le bruit anthropique sous-marin et encourage la FAO à évaluer ses impacts possibles.
Il est à espérer que ce type de demandes concernant les bruits anthropiques sous-marins, -plus de connaissances sur les impacts environnementaux et socio-économiques- conduira à des demandes plus fortes pour entreprendre des évaluations d'impact social et environnemental, et, un appel à l'adoption d'une approche de précaution. Comme le disent les pêcheurs artisanaux : aucune nouvelle utilisation des océans ne devrait être autorisée par les gouvernements s'il n'est pas démontré qu'elle ne nuira pas à la pêche artisanale ou aux écosystèmes marins dont ils dépendent pour leur subsistance.
LA VOIE VERS DES ACCORDS D'ACCÈS ÉQUITABLES ET DURABLES
Certains aspects figurent dans la résolution de l'AGNU depuis des années, mais n'ont pas vieilli, comme l'appel de l'AGNU en faveur de dispositions d'accès transparentes, durables et équitables.
En effet, l'AGNU demande aux nations de pêche en eaux lointaines, lorsqu'elles négocient des accords d'accès avec les États côtiers en développement, de le faire « sur une base équitable et durable et de tenir compte de leur attente légitime de bénéficier pleinement de l'utilisation durable des ressources naturelles de leurs zones économiques exclusives », notamment en accordant une plus grande attention à la transformation du poisson et aux installations de transformation du poisson. Les navires battant pavillon des nations pratiquant la pêche en eaux lointaines doivent se conformer aux lois et règlements des États côtiers en développement. Elle encourage, à cet égard, « une plus grande transparence en ce qui concerne les accords d'accès à la pêche, notamment en les rendant accessibles au public ».
Toutes les activités des flottes de pêche lointaine ne sont pas toujours identifiées comme telles - un nombre croissant d'entre elles battent pavillon des pays côtiers en développement, ce qui leur permet d'accéder aux eaux côtières, où elles sont souvent en concurrence avec les pêcheurs artisans. Pour un tel scénario, l'AGNU a également un conseil à donner et exhorte les États « à exercer effectivement leur juridiction et leur contrôle sur leurs ressortissants, y compris les propriétaires bénéficiaires, et sur les navires battant leur pavillon, afin de les empêcher et de les dissuader de se livrer à des activités de pêche illicite, non déclarée et non réglementée [...] et à faciliter l'assistance mutuelle pour faire en sorte que ces actions puissent faire l'objet d'enquêtes et de sanctions appropriées ».
Conclusion
L'AGNU a définitivement mis en lumière l'importance de la pêche artisanale et la nécessité de soutenir son développement. Cependant, certaines questions clés qui doivent être abordées pour assurer son avenir sont traitées du bout des lèvres, en particulier les menaces posées par d'autres secteurs de l'économie bleue.
La cohabitation entre la pêche et ces autres secteurs n'est pas un sujet qui va disparaître de l'agenda mondial. Il est certain qu'elle sera discutée lors de la prochaine conférence de haut niveau des Nations Unies de 2025 pour soutenir la mise en œuvre de l'objectif de développement durable 14, qui a été décidée par l'AGNU le 20 décembre 2022 (Résolution pour une conférence des Nations Unies en 2025), et qui sera co-organisée par la France et le Costa Rica. Et, comme en 2022, c'est sûr, les pêcheurs artisanaux seront là pour défendre leurs droits.
Cet article porte sur le récent échange dette-océan entre TNC et le Gabon d'une valeur de 500 millions de dollars. En contrepartie, le gouvernement gabonais s'est engagé à protéger jusqu'à 30 % de ses océans. L'auteur examine en détail l'accord (partie 1) et les engagements en matière de conservation (partie 2), il explore les problèmes posés par cet accord en termes d'une résolution juste de la crise de la dette et de gouvernance des océans, et développe ses répercussions pour les communautés côtières.