Après des réunions avec les autorités nationales et les partenaires, l'USCOFEP-CI suggère un plan pour améliorer les conditions de vie et de travail des femmes transformatrices de poisson, et demande qu'une partie des fonds de soutien sectoriel de l'APPD de l'UE soit réorientée vers la lutte contre le Covid-19
Depuis la mi-mars, des mesures de distance sociale et autres restrictions ont été progressivement appliquées par le gouvernement de la Côte d'Ivoire pour lutter contre la pandémie de Covid-19. Les femmes de la pêche artisanale, organisées via l'Union des coopératives USCOFEP-CI, ont mis tout en oeuvre pour assurer la poursuite de leurs activités afin que la nourriture soit dans l'assiette de leurs familles mais aussi de la population ivoirienne. Le poisson représente en moyenne 22 % de l'apport en protéines en Afrique subsaharienne et dans certains pays, ce chiffre dépasse 50 %.
"Il n'est pas possible pour les femmes dans la pêche artisanale d'arrêter leurs activités car, compte tenu de leurs faibles moyens, elles vivent au jour le jour", explique Micheline Dion Somplehi, présidente de l'USCOFEP-CI. "Les vendeuses de poisson, par exemple, doivent aller vendre le petit poisson qu'elles doivent acheter chaque jour, sinon leurs familles n'ont rien à manger”.
Les mesures de restriction prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19 taxent très fort la pêche artisanale, car les hommes et les femmes concernés ont des contacts étroits à tous les stades de la chaîne de valeur. Cependant, pour les femmes de l'USCOFEP-CI, la prévention est essentielle et c'est pourquoi, depuis les dernières semaines de mars, elles font de la sensibilisation dans plusieurs sites de débarquement pour que les gens gardent une distance sociale et respectent les mesures d'hygiène : "Nous sensibilisons les gens pour qu'ils se lavent les mains lorsqu'ils entrent sur le marché et qu'ils portent des gants".
La demande pour ces produits d'hygiène a augmenté en cette période turbulente et les femmes de l'USCOFEP-CI ont dû, plusieurs fois, cotiser de leurs économies pour acheter les kits sanitaires. Dans certains sites de débarquement, elles contrôlent l'accès pour réduire le nombre de personnes qui interagissent et obligent chaque client à se laver les mains.
Pour les femmes de l'USCOFEP-CI, cette crise sanitaire montre l'absence de conditions de travail et d'hygiène décentes dans la pêche artisanale, et elles voient dans cette pandémie une occasion de s'attaquer à ces problèmes. Après plusieurs discussions avec le ministère de la pêche, elles ont identifié une série de recommandations, qui comprennent aussi des mesures pour lutter contre le Covid-19, couplées à un plan à long terme pour améliorer leurs conditions de travail.
Est-ce que l’APPD UE-Côte d’Ivoire pourrait contribuer aux demandes des femmes ?
La Côte d'Ivoire est un importateur net de poisson. Sur les plus de 400 000 tonnes de poissons nécessaires par an, seulement environ 75 000 tonnes sont débarquées par le secteur local, y compris la pêche industrielle et artisanale ; le reste, est importé de Mauritanie, du Sénégal ou de Chine (cartons de poisson congelé).
Le protocole actuel de l'accord de partenariat de pêche durable (APPD) UE-Côte d'Ivoire encourage les armateurs de l'UE à vendre une certaine quantité de "faux thon" (thon endommagé ou trop petit, ou les prises accessoires non utilisées par les conserveries) directement aux coopératives ivoiriennes de femmes transformatrices de poisson, et le soutien sectoriel de l'APPD comprend un fonds pour les aider à acheter le poisson.
Début mars 2020, à l'occasion de la Journée internationale de la femme, alors que Covid-19 était à la porte, l'USCOFEP-CI a tenu une réunion pour faire le point sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’APPD.
La non-disponibilité du faux thon vendu directement aux femmes transformatrices de poisson signifie qu'elles n'ont accès qu'à la matière première vendue par des intermédiaires à des prix prohibitifs. Les femmes achètent le poisson à 325 francs CFA le kilo, et vendent le produit transformé à 375 FCFA le kilo. Mais les coûts supportés par les femmes sont plus de cinq fois supérieurs au bénéfice escompté. Les femmes transformatrices de poisson travaillent à perte. Pour faire face aux défis de l'épidémie, "la concrétisation de la promesse de mettre à disposition du faux thon, - nous aurions besoin de 10.000 tonnes par an -, serait une manne", note l'USCOFEP-CI. Mais la crise du Covid-19 a encore retardé le débarquement du faux thon...
Dans son plan d'amélioration des conditions de travail des femmes, l'USCOFEP-CI réitère son engagement à soutenir la mise en œuvre de l'accord de partenariat de pêche UE-Côte d'Ivoire, avec pour objectif d'améliorer les conditions de vie et de travail de ses membres, tout en contribuant à la sécurité alimentaire et à la création d'emplois.
À cette fin, l'USCOFEP-CI demande le débarquement contrôlé de faux thon et sa vente directe aux femmes transformatrices de poisson, afin de permettre d'avoir des prix rémunérateurs et de contourner les intermédiaires abusifs.
L'organisation souhaite également que le soutien sectoriel soit particulièrement axé sur les besoins des femmes transformatrices de poisson, à la fois à court terme pour atténuer les impacts de Covid-19 sur leurs communautés, et à plus long terme pour leur permettre de travailler dans de meilleures conditions d'hygiène et de santé, notamment en améliorant les infrastructures de débarquement et de transformation du poisson.