En mai de cette année, l'Union européenne, dans le cadre de la mise en œuvre de son règlement visant à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), a identifié les Comores et Saint-Vincent-et-Grenadines comme des pays tiers non coopérants. Ces décisions ont été prises car les deux pays ne contrôlaient pas les activités de leurs navires de pêche à l'étranger. En effet, comme l’a documenté Greenpeace cette année, les navires battant pavillon des Comores, bien qu'appartenant à des sociétés basées à Las Palmas, ont été observés effectuant des transbordements non autorisés en mer en Guinée-Bissau. Bien que ces navires aient été autorisés à pêcher par le gouvernement bissau-guinéen, le transbordement en mer est interdit dans la ZEE de Guinée-Bissau. Il faut remarquer que les activités des navires battant pavillon des Comores en Afrique de l'Ouest sont également contraires aux lois nationales des Comores, qui interdisent aux navires de pêche battant pavillon national d'opérer à l'extérieur de l'Océan Indien. Malgré les avertissements répétés de la Commission Européenne concernant ces insuffisances, les Comores n'ont pas agi, ce qui a conduit à leur listage.
En mai 2017, le Libéria a également été pré-identifié par la Commission européenne comme pays tiers non-coopérant. Dans son communiqué de presse, la Commission a déclaré qu'elle espérait "que la pré-identification permettra de sensibiliser la population et d'encourager le pays à mettre en œuvre les réformes nécessaires dans la gouvernance de la pêche". Il est reproché au Liberia de ne pas contrôler les navires de pêche sur son registre ouvert, un des registres les plus populaires dans le monde.
Ces actions par la Commission européenne sont justifiées. Les registres ouverts sont répréhensibles pour de nombreux motifs, et la facilitation de la pêche illégale n'en est qu'une. Toutefois, l'approche qui consiste à sanctionner les États du pavillon qui ont des registres ouverts ne prend pas adéquatement en considération les intérêts plus larges des sociétés qui sont derrière ces registres. Il est important que ces intérêts cachés soient pris en considération dans les actions à mener. Sans cela, les sanctions visant uniquement l'état du pavillon sont peu susceptibles d'être efficaces ou justes.
Qu'est-ce qui est en jeu?
L'une des conséquences d'être identifié comme un pays tiers non coopérant est l’interdiction d’exporter des produits de la pêche vers l’UE. Mais cela n'affecte pas les Comores, puisque le pays n’exporte pas de produits de la pêche vers l’UE. Le principal impact sera plutôt la dénonciation par l’UE de l’accord de partenariat pour la pêche durable (APPD) avec les Comores, d'une valeur de plus de 600.000 euros par an versés par l'UE, ainsi que les redevances supplémentaires versées au gouvernement des Comores par les navires battant pavillon de l'UE. Dans le dernier protocole, la moitié de cet argent était affecté au développement de la pêche, ce qui est significatif pour l'un des pays les plus pauvres du monde, qui possède des ressources marines riches et précieuses, mais a peu de moyens pour les gérer. Un destin semblable pourrit attendre le Libéria, qui a signé un APPD en 2016, s'il n'améliore pas sa gestion des navires étrangers.
Les Comores, comme Saint-Vincent-et-Grenadines, sont des pays qui possèdent des registres ouverts, sur lesquels des navires appartenant à des étrangers sont autorisés à s'inscrire en tant que sociétés nationales, avec des dispositions fiscales généreuses, malgré l’absence de lien véritable entre la société et l'état du pavillon. Les Comores ont un registre ouvert qui contient environ 1000 navires, dont seulement un petit nombre sont des navires de pêche; ces dernières années, il y a environ une douzaine de navires de pêche qui battent pavillon des Comores.
Comme l'a décrit l’ONG "Shipbreaking Platform", une activité clé du registre ouvert des Comores, c’est de recevoir des navires qui doivent être mis à la casse en Inde et au Bangladesh. En effet, les Comores demandent une très faible taxe d’enregistrement pour ces navires qui entreprennent «leur dernier voyage», ce qui permet aux armateurs étrangers, comme ceux des États membres de l'UE par exemple, de court circuiter les règlements sur l'environnement, la santé et la sécurité pour la démolition de leurs bateaux. Jusqu'à récemment, le registre des Comores était également utilisé par les navires en provenance de Corée du Nord, permettant ainsi à ces navires d'éviter les restrictions de passage imposées par d'autres nations à la Corée du Nord.
Cependant, les navires de pêche constituent une infime fraction des bateaux enregistrés sous le pavillon des Comores. Cela rend l'inaction des autorités des Comores difficile à comprendre : la perte de recettes provenant de l’APPD signé avec l'UE est presque certainement plus importante que ne serait la perte de recettes provenant de l'enregistrement de ces navires de pêche. En comparaison, le Sierra Leone, qui, depuis plusieurs années, enregistre beaucoup plus de navires de pêche sur son registre ouvert que les Comores, a déclaré en 2010 avoir reçu environ 10 000 USD sur une période de quatre ans pour la fourniture de ce service aux compagnies de pêche. Il semble illogique que le gouvernement des Comores se laisse identifier comme un pays non coopérant par l'UE simplement pour maintenir quelques navires de pêche dans son registre.
La nature des registres ouverts
L'incapacité des États du pavillon à contrôler leurs navires à l'étranger est inacceptable, en particulier lorsque ces navires ont un impact négatif sur les pêcheries artisanales, ce qui semble être le cas des navires battant pavillon des Comores pêchant en Afrique de l'Ouest. Toutefois, la décision des Comores de ne pas prendre des mesures doit être mis dans un contexte plus large.
Le succès des registres ouverts n'est pas entièrement le fait des gouvernements qui les possèdent. Au lieu de cela, historiquement (tout comme c’est le cas des paradis fiscaux dans les pays en développement et les petits États insulaires), ceux-ci ont été établis principalement par des gouvernements étrangers, en particulier le gouvernement américain et les chefs d'industrie américains, et sont maintenant gérés par sociétés transnationales qui sont rarement basées dans le pays d'accueil. Nombre de ces sociétés sont basées dans des paradis fiscaux, comme le Delaware aux États-Unis, Singapour, ou Dubaï. La plupart ont des agents dont les activités couvrent l’entièreté du globe, qui aident les navires à acquérir des certificats de navigabilité et leur fournissent d'autres services essentiels. Ces agents travaillent souvent pour les registres de plusieurs pays à la fois, offrant à leurs clients les meilleures solutions au moindre coût.
Dans le cas du Libéria, son registre ouvert a été établi par des politiciens et des hommes d'affaires américains à la fin des années 1940. Les mêmes personnes avaient développé le premier grand registre ouvert, au Panama, pendant la seconde guerre mondiale. Cela avait été fait ostensiblement pour aider les armateurs américains à contourner une loi de 1935, la ‘US Neutrality Act’, qui interdisait aux navires américains d'entrer dans les zones de guerre et ne permettait pas aux citoyens américains de voyager sur des navires appartenant soit aux forces alliées européennes, soit aux forces allemandes. La loi incommodait les armateurs américains, de sorte qu'ils ont travaillé avec le gouvernement du Panama, contrôlé par les Etats unis, et avec le soutien du gouvernement américain, pour créer des lois au Panama permettant aux navires d'être légalement transférés dans des sociétés au Panama, battant le pavillon du Panama et ainsi exemptés d’obéir aux lois américaines.
Quelques navires américains étaient déjà passés sous pavillon du Panama avant cela, principalement pour éluder les lois sur la Prohibition. Cependant, au cours des premières années de la seconde guerre mondiale, un nombre substantiel de propriétaires de navires ont vu des avantages importants à transférer leurs navires; cela les a libérés des lois américaines plus strictes sur les normes du travail, y compris sur la nécessité d'employer des citoyens américains. Les syndicats américains ont été parmi les premiers à condamner cette pratique, arguant que, au milieu des années 1940, 16.000 emplois américains avaient ainsi été perdus. Dans les années 90, ce nombre a atteint 40.000, et plusieurs syndicats de marins ont inventé l'expression «équipages de complaisance», compte tenu des conditions de travail épouvantables que subissaient cette nouvelle main-d'œuvre bon marché, principalement originaire d'Asie. Les armateurs européens ont commencé à faire usage de cette stratégie et, avec la vente de navires excédentaires après la seconde guerre mondiale, le nombre de navires transférés au Panama s'est élevé à plusieurs milliers.
L'histoire du registre ouvert du Libéria, établi à la fin des années 1940, a été bien décrite par Christian Herbert, un érudit libérien qui a fréquenté la World Maritime University à la fin des années 1990. Comme il l'a décrit, l'idée du registre ouvert du Libéria est venue lorsque les efforts des États-Unis pour empêcher Arnulfo Arias, considéré comme un communiste, de devenir Président du Panama ont échoué. Arias était explicitement anti-US, et était contre le nouveau registre ouvert du Panama. En outre, les armateurs américains ont commencé à se plaindre d'avoir à payer des redevances excessives aux autorités panaméennes corompues. La solution est venue d'Edward R. Stettinius, un ancien Secrétaire d'État américain. Stettinuis avait des intérêts commerciaux importants au Libéria, un pays ayant une relation de longue date avec les États-Unis, datant de l’époque de la traite des esclaves. Avec la bénédiction et l'aide du gouvernement américain, de la CIA et de l'armée, ainsi que l'encouragement de grands armateurs, Stettinuis a mis en place la société Stettinuis Associates, qui a créé la «Liberian Company» en tant que filiale. Les collègues de Stettinuis dans cette entreprise incluaient d'anciens membres de l'administration de l’Economie extérieure américaine, et un ancien sous-secrétaire d'État. En 1948, ils avaient terminé de rédiger un nouveau code maritime libérien, et attendaient l'approbation des principales compagnies maritimes américaines et européennes.
Le projet de loi fut jugé si injuste pour le Libéria par le département d'État américain, qu'ils intervinrent pour ré-écrire la loi, qui fut finalement intégrée au droit libérien, bien que sans l'approbation du Parlement libérien, en 1958. La nouvelle législation établit que la société de Stettinuis agit en tant qu'agent du Gouvernement libérien pour gérer le registre des navires, avec un arrangement pour le partage des bénéfices, qui incluait des redevances substantielles payées au Gouvernement libérien. La nouvelle société fut désignée sous le terme de Fonds fiduciaire libérien, qui appartenait à Stettinuis Associates, basée à New York. Stettinuis Associates a également insisté pour que le Gouvernement libérien nomme Fred Leninger, un ressortissant américain et ami proche de Stettinius, en tant que premier sous-commissaire aux affaires maritimes du Liberia, poste qu'il a occupé pendant 30 ans. Il s'agissait d'éviter l'ingérence du Gouvernement libérien dans les affaires maritimes - une leçon tirée du Panama.
Écrivant à la fin des années 1990, Don Clifford dans son essai «Sailing Beyond the Reach of Workplace Regulations: Worker Exploitation by MNCs on the High Seas” (Naviguer au-delà de la portée des règlements sur le lieu de travail: l'exploitation des travailleurs par les multinationales en haute mer), a décrit que le fonctionnement du Registre libérien est resté complètement indépendant du Gouvernement libérien, en donnant pour preuve le fait que la plus forte croissance en nombre de navires sur le registre libérien s'est produite pendant la guerre civile au Libéria. En effet, la société privée avait pris le rôle de l'état du pavillon, alors que les capacités des affaires maritimes du Libéria n'étaient pas encore développées, y compris, comme on peut l'imaginer, son administration des pêches.
Au milieu des années 70, le Fonds fiduciaire libérien avait des bureaux dans le monde entier, mais pas au Libéria. Le pavillon libérien a été, et continue d’être, parmi les plus importants du monde en termes de nombre de navires, mais aussi parmi les meilleurs en ce qui concerne les normes de sécurité. Bien entendu, même si les entreprises qui gèrent ce registre ouvert vantent leurs prouesses en matière de sécurité, le succès des registres ouverts du Panama et du Libéria a servi à abaisser les normes globales des registres des navires, et ces exemples ont conduit à la création de douzaines d'autres registres ouverts concurrents et plus petits, appliquant les pires normes au monde, comme les Comores. Les pays européens ont réagi à la fuite de navires vers des pavillons comme le Libéria, en créant des soi-disant deuxièmes registres, avec des normes fiscales et de travail inférieures, dans le but de récupérer certains de ces navires.
La propriété du Fonds fiduciaire libérien est passé par de nombreuses mains. Il a été acheté par la Banque Internationale de Washington en 1954; cette Banque internationale a ensuite été acquise par une société dirigée par un général américain à la retraite en 1956, qui a ensuite vendu l Fonds fiduciaire à une compagnie d'assurance-vie des États-Unis. Le fonds a ensuite été racheté par Archibald Stewart, qui a créé une société multinationale complexe, incluant les International Registries Inc. (IRI), avec des participations dans plusieurs autres registres ouverts et des services financiers off-shore à travers le monde. L'IRI s'est notamment imposé comme l'agent du registre ouvert des îles Marshall au milieu des années 1990.
À cette époque, et pour diverses raisons, la relation entre Stewart et le Gouvernement libérien s'est aigrie. Le Fonds fiduciaire libérien, sous le contrôle de l'IRI, a commencé à déplacer de plus en plus de navires du registre libérien vers le registre des îles Marshall, parce que la partage des bénéfices y était plus avantageux pour le Fonds. Cela signifiait que les îles Marshall sont devenues rapidement l'un des plus prospères registres ouverts dans le monde. Stewart a été accusé de conflits d'intérêts par le Gouvernement libérien, maintenant sous l'autorité du Président Charles Taylor, qui a tenté de poursuivre l'IRI devant les tribunaux américains, demandant une compensation de 70 millions USD. Le contrat avec le Fonds fiduciaire libérien a été résilié par le Liberia et attribué à une nouvelle société américaine, baptisée Liberia International Ship and Corporation Registry (LISCR). L'IRI a poursuivi le Gouvernement libérien en justice, l'accusant de détourner les recettes transmises par l'IRI, et a refusé de transmettre des données vitales au nouveau LISCR, ce qui signifie que le nouvel agent pour le registre du Libéria ne pouvait pas fonctionner correctement. En fin de compte, un règlement hors tribunal a prévalu, avec une importante compensation octroyée à l'IRI, et une fusion de personnel et des opérations entre l'IRI et le LISCR, qui a déménagé au Delaware, le paradis fiscal au sein des États-Unis.
Bien qu'il n'y ait pas eu de preuve, le LISCR fut impliqué dans les enquêtes de l'ONU concernant des redevances qui auraient été payées au régime de Taylor pour financer l'achat d'armes pendant la période de l’embargo sur les armes. Aujourd'hui, le LISCR exploite non seulement l'un des plus grands registres maritimes au monde, mais il enregistre également plusieurs milliers d'autres sociétés offshore au Libéria, bien que la connaissance locale des activités de cette entreprise et le nombre de sociétés étrangères enregistrées à Monrovia restent apparemment un mystère pour beaucoup dans le pays, y compris le Parlement.
Le cas du registre ouvert des Comores
Le Panama et le Libéria ont sans aucun doute inspiré d'autres registres ouverts, et c'est dans ce contexte que nous devrions aborder l’existence du registre ouvert des Comores, qui a été créé en 1999. Il aurait été le travail du magnat indien du transport maritime, Akram M Shaik, qui a proposé l'idée au gouvernement des Comores à la fin des années 1990. Une nouvelle loi sur la marine marchande a été élaborée en 2000 et Akram Shaik a été nommé commissaire aux affaires maritimes de l'administration de l'Union des Comores. Il a ensuite établi des bureaux satellites au Bangladesh, en Bulgarie, en Grèce, en Inde, en Iran, au Liban, à Singapour, en Turquie, en Russie et en Ukraine. En 2007, un contrat d'exploitation de 25 ans comme agent du registre ouvert des Comores a été décerné à Akram Shaik par l'intermédiaire de son entreprise Union Marine Classification Services LLC (UMCS), enregistrée à Dubaï.
Toutefois, Akram Shaik a perdu ce contrat en 2011, lorsque le Président de l'époque des Comores, Ahmed Abdallah Sambi, a transféré ce contrat à Essam Al-Fahim, des Émirats Arabes Unis. La société de Essam Al Fahim, HSS Holding, avait signé un accord avec le Président pour un investissement de 300 millions euros visant à développer un projet de transport maritime qui relierait les quatre îles des Comores entre elles et au continent africain. Dans le cadre de cet accord, Sambi a autorisé Al Fahim a établir l’Autorité Nationale du Transport (ANT), qui sera en charge du contrat de gestion du registre des Comores. Suite à cela, l’UMCS de Akram Shaik a intenté une action en justice contre le gouvernement des Comores, par l'intermédiaire du Tribunal d'arbitrage des affaires maritimes de Londres, argumentant que son contrat de 25 ans ne pouvait être revu qu'après 10 ans.
En 2013, la compagnie d'Al Fahim a fait marche arrière sur l’accord concernant la construction du système de transport maritime, mais faisant une offre à UMCS pour la cogestion du registre des Comores. Cette offre a été rejetée par UMCS, qui a préféré continuer la procédure d’arbitrage à Londres.
Selon plusieurs rapports d'African Intelligence, Akram Shaik a dominé l’actualité politique des Comores en 2013, quand il est apparu que l'année précédente, il avait offert un pot-de-vin au Ministre des Transports de l'époque pour s'assurer que le contrat de gestion du registre maritime reviendrait bien à sa compagnie. La somme d'argent promise au Ministre était de 125 .000 USD, mais Akram Shaik n'a fait qu'un paiement initial de 25.000 USD. Le Ministre n'a pas aidé Akram Shaik à récupérer le contrat, et Akram Shaik a lui-même rendu publique l’information sur le pot-de-vin payé, moment qu'il avait filmé dans un hôtel à Dubaï.
Ce scandale a conduit le gouvernement des Comores, sous la nouvelle présidence de Ikililiou Dhoinine, à limoger le précédent Ministre des Transports et à nommer une commission spéciale du gouvernement chargée d'établir les dispositions légales pour la gestion du registre, y compris la disposition selon laquelle la nomination d'un nouvel agent serait faite de façon transparente par voie d’offres concurrentielles. Toutefois, deux mois après l'annonce de la mise en place de la commission spéciale, le nouveau Ministre des Transports et le vice-président signaient un accord en secret avec un représentant de la société Maritime Lloyd Georgia, détenu par un citoyen géorgien, Tallaani Hijazi. L'accord est considéré comme un contrat amélioré que celui qui apparemment existait avec Akram Shaik, qui est maintenant garanti pendant 25 ans, avec un partage des bénéfices de 50-50.
La Maritime Lloyd Georgia fait partie d'une structure de société plus large appartenant à Tallaani Hijazi, qui comprend Veritas Registry of Shipping (VRS), établie à Barcelone en 2008, mais a déménagé à Londres en 2012. VRS a des contrats pour gérer les registres maritimes de la Tanzanie, la Moldavie, le Togo, la Micronésie, ainsi que les Comores.
Des rapports plus récents, datant de 2017, décrivent que l'affaire d'arbitrage entre Akram Shaik et le gouvernement des Comores est toujours en cours, bien que la Cour ait statué que Akram Shaik, en fait, doit de l'argent au gouvernement comorien. Ce n'est pas clair si VRS reste l'agent du registre maritime des Comores, et un rapport de 2015 publié par African intelligence suggère que le gouvernement des Comores a tenté à cette époque de nationaliser la gestion du registre. Toutefois, un article écrit en 2017 dans un journal nord-coréen, décrivant le déregistrement d'un navire nord-coréen du registre maritime des Comores, cite comme sous-commissaire des affaires maritimes des Comores un certain Boyan Bihlyumov, basé en Bulgarie.
Qui est à blâmer pour l’échec de la prise de responsabilités par l’état du pavillon ?
L'histoire des registres maritimes du Liberia et des Comores montre comment ces derniers ont été établis par des intérêts privés et étatiques de pays comme les Etats unis, mais impliquent désormais des entreprises multinationales d'Europe et du Moyen Orient; ces pays comptent encore la grande majorité des propriétaires bénéficiaires des navires de marine marchande. Cela n'absout pas la responsabilité des gouvernements hôtes, mais soulève des questions complexes sur la façon dont ces registres fonctionnent et de qui contrôle les navires enregistrés.
L'UE a raison d'imposer des sanctions aux Comores pour ne pas avoir de contrôle sur ses navires de pêche battant son pavillon, et d'avertir le Libéria qu'elle pourrait prendre des mesures similaires. Mais étant donné les structures d'entreprise qui se cachent derrière ces registres, ainsi que les histoires persistantes de litige entre les sociétés qui dirigent ces registres et les gouvernements hôtes, ce n'est pas clair comment le gouvernement d’un pays comme les Comores peut facilement retirer des navires de son registre. Plus important encore, tandis qu'un pays comme les Comores est dépeint comme un État paria facilitant la pêche illégale, les intérêts des compagnies qui ont établi ces registres ouverts sont rarement exposés ou confrontés.
Les efforts internationaux pour clore les registres ouverts ont échoué. La meilleure tentative est peut-être venue avec la Convention des Nations Unies sur les conditions d'enregistrement des navires, finalisée en 1984. Elle contenait la disposition comme quoi il doit y avoir un «lien véritable» entre la société propriétaire du navire et l'état du pavillon. Mais il aurait fallu que quarante pays la ratifient pour qu’elle entre en vigueur. Seulement 14 pays l’ont fait, et ni les Etats-Unis ni aucunpays européen, à l’exception de l'ancienne Tchécoslovaquie, ne l’ont fait. Divers autres efforts ont été faits pour faire connaître les conditions déplorables liées à certains registres ouverts, et des sanctions commerciales ont été utilisées auparavant dans les pêcheries contre les pavillons de complaisance; le Belize par exemple a été mis sous pression pour se débarrasser des navires de pêche pêchant le thon par la Convention Internationale pour la Conservation du Thon Atlantique (CICTA), et cela a finalement fonctionné.
Bien sûr, les armateurs gardent toujours la possibilité de changer de pavillon. On se demande où les navires de pêche enregistrés aux Comores se retrouveraient si les Comores les désinscrivent? Il semble probable que l'entreprise qui gère le registre des Comores trouvera une solution, y compris en les transférant vers d'autres registres qu'elle gère aussi. En l’état actuel des choses, les entreprises qui établissent et gèrent ces registres ouverts restent en grande partie immunisées contre les sanctions, parce qu'elles ne sont jamais visées. Les sanctions visant les États du pavillon sont peu susceptibles de nuire à ces entreprises, parce qu'elles peuvent faire le transfert entre différents pays, comme l'IRI l’a fait en établissant le registre des îles Marshall quand les choses ont mal tourné au Libéria.