Le 22 Mars dernier, la Commission de la Pêche du Parlement européen a débattu du nouveau protocole d'accord de pêche entre la Mauritanie et l'UE. Si la plupart des parlementaires, comme le rapporteur, Mr Mato, ont une appréciation positive de la proposition de protocole, la question de l’absence d’un cadre de gestion régional pour les ressources partagées de petits pélagiques a été soulevée par Mme Rodust, qui a demandé que l’UE s’engage à promouvoir une telle gestion régionale.
CAPE partage entièrement ce point de vue. Notre plus grande préoccupation concernant les petits pélagiques reste le fait qu’un accès soit alloué aux flottes étrangères, notamment celles de l’UE et de la Russie, en l’absence d’un nécessaire cadre régional de gestion pour ces espèces partagées entre, essentiellement, le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal. Comment peut-on identifier un surplus, - base pour la signature d'un accord de partenariat de pêche-, en l’absence de cette gestion régionale ?
La Convention sur les Conditions Minimales d’Accès, ratifiée par les Etats Membres de la Commission sous régionale des Pêches d’Afrique de l’Ouest (CSRP), - dont la Mauritanie-, appelle à cette gestion concertée des petits pélagiques dans la région. Cet appel est aussi lancé par la société civile et les organisations de pêche artisanale, étant donné l'importance stratégique de ces ressources pour la sécurité alimentaire de toute la région. Il y a là une urgence, vu le contexte global de pleine exploitation, voire de surexploitation de la sardinelle ronde.
Nous demandons donc à l’UE de faire tous les efforts possibles pour promouvoir cette gestion régionale, notamment par le dialogue existant au niveau des APPD avec les pays concernés : Mauritanie, Maroc, Sénégal
CAPE a publié d'autres commentaires sur la mise en œuvre de l’accord UE- Mauritanie, concernant:
- L’ Engagement de transparence
L’article 1 du nouveau Protocole stipule que ‘la Mauritanie s’engage à rendre public tout accord public ou privé autorisant l’accès à sa ZEE par des navires étrangers’. C'est une grande avancée qui est reconnue par le rapporteur, Mr Mato. Nous espérons que la Mauritanie publiera bientôt l'ensemble de ces accords, car la transparence est un aspect fondamental de la mise en œuvre de l’accord, qui sera examinée lors de la première Commission mixte de l'accord qui se réunira sans doute en Mai.
- L’Accès aux ressources: prises accessoires de poulpes
L’état des ressources de poulpe reste préoccupant. Ainsi, le document de Stratégie de Développement pour le secteur de la pêche 2015-2019 de la Mauritanie insiste sur le fait que, ‘malgré un redressement observé récemment, l’état des stocks du poulpe est toujours préoccupant avec des niveaux de surexploitation estimés à 17%’. Dans ce contexte, il est positif qu'il n'y ait pas d'accès direct des flottes européennes à cette ressource si importante pour la pêche artisanale locale.
Néanmoins, s’il n’y a pas d’accès au poulpe en tant qu’espèce ‘cible’, le poulpe reste une des espèces pêchées comme prises accessoires: les crevettiers européens peuvent conserver à bord 8% de prises accessoires de céphalopodes, composés essentiellement de poulpe.
De plus, le rapporteur souligne que la Mauritanie se serait engagée à envisager, lors de la Commission mixte, l’attribution de nouvelles possibilités de pêche pour des chalutiers congélateurs de pêche démersales, qui incluraient là aussi des prises accessoires de poulpes.
L'impact des volumes cumulés de ces prises accessoires sur l'état du stock doit être pris en compte, et aucune nouvelle possibilité de pêche ne devrait être octroyée si cela signifie un impact négatif sur les stocks non-ciblés, comme le poulpe.
Le problème des prises accessoires est aussi présent dans la pêcherie de petits pélagiques. Pour les super chalutiers pélagiques, le Comité scientifique conjoint de 2013 a émis l’hypothèse de possibles sous-déclarations de captures accessoires, ‘compte tenu de la pratique du chalutage pélagique qui a pour effet général un taux élevé de captures accessoires et de la diversité des espèces rencontrées (plus de 100 espèces)’. L’Atlas maritime des zones vulnérables en Mauritanie de l’Institut Mauritanien de Recherches Océanographiques et des Pêches (IMROP) précise que, pour la pêcherie de petits pélagiques, ‘tandis que les captures des espèces cibles sont bien réglementées, la pêche accessoire pose un problème majeur. Des efforts de sélectivité sont donc à faire pour diminuer les taux de prises accessoires et les rejets des chalutiers, notamment en introduisant, à travers la mise en œuvre de l’accord 2015-2019, l’utilisation de dispositifs de sélectivité.
L’ Appui sectoriel
Au cours des derniers protocoles, le montant de l’appui sectoriel a substantiellement diminué, passant de 16 millions d’euros par an (2008-2012) à 3 millions par an (2012-2014). Il sera dans le nouveau protocole 2015-2019 de 4 millions d’euros par an.
Jusqu’à présent, l’utilisation de l’appui sectoriel est très insatisfaisante pour les deux parties: les fonds ont surtout servi à couvrir des dépenses de fonctionnement, plutôt que des infrastructures, indispensables pour le développement du secteur. La question de la transparence relative à l’utilisation de l’appui sectoriel a aussi été posée à de nombreuses reprises.
Pour pallier à ces déficiences, dans le nouveau protocole, il est prévu que l’appui sectoriel sera géré par une Cellule d’exécution qui coordonnera la mise en œuvre avec les bénéficiaires des projets choisis. Un rapport en fin de projet sera publié, qui examinera les impacts sur les ressources, l’emploi les investissements. Un atelier annuel avec les bénéficiaires pour présenter l’état d’avancement.
Cette approche mérite d'être rappelée et sa mise en oeuvre rapide doit être encouragée, afin d'améliorer l'utilisation des fonds de l'appui sectoriel au bénéfice du développement de pêcheries durables en Mauritanie