Bons et méchants : La pêche INN relève de la criminalité des entreprises en complicité avec les états, pas du ‘crime organisé’

Récemment l'ONG Oceana a recommandé l'utilisation de drones et de caméras de vision nocturnepour lutter contre la pêche INN dans les aires marines protégées. C’est l'un des derniers exemples montrant la dérive de la lutte contre la pêche INN, qui est présentée de façon réductrice comme un problème d’application de la loi,  avec les nombreux problèmes qui en découlent résumés à une histoire de ‘bons contre les méchants’. Dans ce type de scénario à la James Bond, la pêche INN est presque toujours considérée comme une menace extérieure : la pêche INN est le fait de ‘pêcheurs pirates’, qui volent le poisson et l’argent de ‘bons’ pays où une majorité de pêcheurs innocents sont respectueux de la loi.

Mais de nombreux criminologues travaillant sur la criminalité des entreprises soutiennent que ce type d’approche est très trompeuse et conduit à des réponses inappropriées – une bien meilleure compréhension du problème, et des solutions à apporter, vient, premièrement, en se rendant compte que la nature de ces infractions signifie qu’il y a souvent complicité entre les États et les entreprises, et deuxièmement que, dans de nombreux secteurs, ces comportements déviants et criminels adoptés par ceux qui ont le pouvoir, peuvent devenir la norme– ces secteur sont décrits comme criminogènes.

Alors, que pouvons-nous apprendre de la criminologie pour le secteur de la pêche, et quelles en seraient les implications pour la lutte contre la pêche INN?

Lutte contre la pêche INN: le scénario du "crime organisé"...

Depuis le début des années 2000, la pêche illicite, non déclarée et non réglementée est devenue, soudainement, le problème le plus important dans la gestion des pêches. En Afrique, la pêche INN est considérée comme un des plus grands défis pour une pêche durable, pour la sécurité alimentaire et le bien-être des communautés côtières. Cette croyance a été encouragée par une importante étudequi estime qu’en Afrique, la pêche INN coûte 1 milliard de USD par an, soit "un poisson sur quatre est volé sur le continent". Le problème avec ces chiffres, c'est qu'ils sont fondés sur des méthodes de recherche douteuses. Ces chiffres proviennent de 7 études de cas de pays où "des experts locaux" ont deviné le nombre de bateaux de pêche sans licences, ou la fréquence avec laquelle un bateau avec licence enfreint les règles. Pour le reste du continent, les auteurs de ce rapport ont extrapolé les données en se fondant sur le fait (pourquoi ?) que le taux de pêche INN est en corrélation avec les scores du pays en matière de gouvernance. La somme d'1 milliard de dollars, comme le criminologue Peter Reuter le décrit pour d’autres statistiques douteuses sur les trafics illégaux, n’est rien d'autre qu’une "convention rhétorique" – un chiffre écrit sur un coin de table, choisi pour sensibiliser la communauté internationale. En effet, si la réflexion se veut sérieuse, il serait impossible d’arriver à un seul chiffre concernant les coûts de la pêche INN étant donné qu’on parle de types d’activités très diverses, avec des coûts et avantages variés (comment par exemple, calculer la valeur des rejets en mer si ces rejets n’ont pas de valeur marchande ? Comment calculer le coût de poisson volé sur l’ensemble du continent africain, alors qu’il y a des cas où ce poisson est ensuite débarqué et transformé dans un autre pays africain ?)

Au cours des dernières années, et selon ces statistiques défectueuses qui sont répétées sans cesse, la lutte contre la pêche INN a mené à plusieurs initiatives internationales – le règlement de l'UE pour lutter contre pêche INN, qui, entre autres, vise à interdire l'importation dans l'UE de poisson obtenus par le biais de la pêche INN; la FAO a développé les mesures de l’Etat du port contre la pêche INN, et en Afrique, nous avons vu le lancement d'une initiative de collaboration entre les gouvernements et les ONG appelée ' Fish-I’. Cette dernière tentative vise à développer la coopération entre les États dans la collecte de renseignements. Fish- I est également soutenu par une campagne mondiale de PEW Charitable Trust qui, en 2013, a aussi lancé un grand effort pour mettre fin à ce qu'il appelle "The big Ocean heist" (le grand vol de l’Océan). Dirigé par le gouvernement norvégien, un autre développement important s'est produit : l'ONUDC et maintenant Interpol, décrivent la pêche INN comme "criminalité transnationale organisée" et Interpol a lancé son nouveau projet international, avec un nouveau bureau pour l'Afrique basé à Nairobi qui a été lancé ce mois-ci. La lutte contre la pêche INN est devenue analogue à de nombreux autres combats globaux contre la criminalité transnationale organisée, que ce soit le trafic de drogue ou d’êtres humains, le blanchiment d'argent etc.

La décision de penser la pêche INN comme relevant du crime organisé reflète une croyance qu'elle est l’antithèse de la pêche légale et surtout, qu’elle parasite l'économie légale. Océana, par exemple, nous dit dans son rapport "les fruits de la mer volés", que "la majorité des entreprises de pêche capturent et vendent légalement le poisson", mais "il y a un petit groupe de récidivistes qui délibérément et régulièrement bafouent la loi". De nombreux rapports sur la pêche INN évoquent une pêche faite par un certain type de navire: INN est ainsi souvent mal utilisée comme substantif pour désigner un navire, plutôt que pour décrire les activités dans laquelle les navires sont impliqués. Nous pouvons aussi voir cela de la façon dont la pêche INN est décrite comme "la pêche pirate", ou les navires INN sont les "pirates". L'OCDE décrit dans un rapport sur les facteurs économiques et sociaux de la pêche INN, comment "la concurrence avec un pirate pourrait signifier une capture plus petite, un revenu plus faible et le fléchissement de l'emploi dans les collectivités qui vivent du commerce légal."

Cette façon de penser la nature et les causes de la pêche INN a encouragé une approche légaliste, où le but est de (comme décrit par PEW) "poursuivre, dissuader, prévenir et poursuivre en justice". Il s'agit ici d'agir en renforçant la capacité d’un état à appliquer la loi, avec l'aide de l'industrie respectueuse de la loi, des grandes organisations non gouvernementales environnementales, ainsi que (parfois) des communautés de pêcheurs. La lutte contre la pêche INN est devenue un régime global d'application de la loi, encourageant les enquêtes et les poursuites – avec l'espoir que si suffisamment de méchants peuvent être capturés, on restera juste avec les bons.

La nécessité d’envisager la pêche INN comme criminalité des entreprises, en complicité avec les états

Nous avons besoin de repenser la pêche INN vers ce que les criminologues appellent ‘la criminalité des entreprises’, en complicité avec les Etats. Dans la plupart des cas, ce sont des entreprises, souvent des multinationales, qui commettent des activités de pêche INN. Ce sont des crimes de puissants, plutôt que des crimes de quelque organisation infernale agissant dans l’ombre.

Comme décrit icipar le programme de recherche sur la criminalité des entreprises avec la complicité des Etats, impliquant plusieurs universités britanniques et américains, le concept se base sur le fait qu'il est rare que les actions illégales des Etats ou des entreprises se produisent sans intervention des uns sur les autres. Les activités controversées des entreprises sont normalement facilitées par les gouvernements. Cela inclut des situations où les gouvernements ne parviennent pas à contrôler les activités commerciales déviantes, soit à cause de la collusion directe, soit parce qu'ils partagent les mêmes objectifs que le secteur privé et ne veulent pas leur créer des difficultés par un règlement agressif.

Il existe de nombreux exemples de ce genre de situation dans la pêche. Les Etats de pêche lointaine sont soit ambivalents lorsqu’il y a des comportements contraires à l'éthique au niveau de leurs entreprises, ou même ils travaillent activement pour servir les intérêts de leurs entreprises, que ce soit par une ingérence directe dans les poursuites engagées à leur encontre, ou par un trafic d'influence y compris par le biais de l'aide octroyée, par exemple. Il y a aussi un problème généralisé de corruption dans le secteur de la pêche, de conflits d'intérêts (des politiciens qui ont une participation dans les entreprises) et du phénomène des "portes tournantes" (fonctionnaires passant dans l'industrie, qu'ils étaient précédemment chargés de réglementer, ou vice versa). La distinction entre l'État et le secteur privé est donc souvent floue, et il s'agit d'une caractéristique importante pour comprendre l'immunité d'application de la loi traditionnelle dont bénéficient ces entreprises.

Beaucoup de ces problèmes ont été démontrés par la saga récente impliquant des entreprises de Russie tentant d'obtenir des licences pour pêcher des petits pélagiques au Sénégal. Dans ce cas, nous avons assisté à quelque chose digne d'un roman de John Le Carré , avec des entreprises multinationales, acquérant des licences très controversées avec l'aide du gouvernement russe et des projets d'aide au développement russe (il y avait également des rumeurs que le deal était lié à un pacte militaire entre les deux pays, comme c'est parfois le cas des accords de pêche d’Afrique de l'ouest avec la Chine). La nécessité d'accéder à l'Afrique de l'Ouest était dictée en partie par le fait que la flotte internationale russe ciblant les petits pélagiques est en crise économique en raison de la hausse des coûts et la diminution des captures au large de l'Amérique du Sud, et aussi parce que la Russie a décidé de pomper de grandes quantités de financement pour aider à sauver son industrie de pêche qui s'est effondrée après la transition de l'Union soviétique.

En même temps, le ministre des pêches nationales au Sénégal a été accusé d'essayer de changer la législation pêche pour pouvoir accueillir ces chalutiers ; des revenus des licences ont disparu, avec certains qui ont spéculé sur le fait qu’ils aient servi à financer la dernière élection présidentielle.

De tels cas montrent que le fait de voir la pêche INN comme une menace externe pour les états nations limite la compréhension du phénomène. Cela met aussi en évidence que le droit criminel peut être un point de départ inadéquat pour comprendre ce qu’est le bon et le mauvais comportement des entreprises. Robert Agnew, écrivant sur ceci dit :

"Si le droit criminel reflète en partie les intérêts et les valeurs des groupes dominants, il s'ensuit que certains comportements nuisibles ne peuvent pas être définis comme des crimes, en particulier les comportements qui servent les intérêts des groupes dominants. Ces actes dommageables commis par les sociétés et les Etats figurent en bonne place ici"

Ainsi, des acteurs puissants, des entreprises, ont les moyens de contester les lois pour s'assurer que certains comportements ne sont pas criminalisés, et ce même si beaucoup d'autres estiment qu'ils devraient être. Au moment des diverses fraudes financières qui se sont passées aux Etats-Unis au milieu des années 2000, le criminologue américain Robert Tillman écrivait que "Enron n'a pas eu à enfreindre les règles, il avait fait les règles".

Étroitement associé à ce phénomène, il y a le concept de ‘lacapture de la fonction réglementaire’, qui décrit comment les organismes gouvernementaux chargés de gérer une industrie deviennent si étroitement mêlés aux besoins de l'industrie, qu’ils ne sont plus en mesure de réglementer pour le bien public. Il existe de nombreux exemples et domaines de préoccupation de ce genre dans les pêcheries. Dans uneexcellente étude de pêche de la crevette au Mozambique, il a été décrit comment de puissantes sociétés étrangères, aidées par les élites politiques via des accords de sociétés mixtes, avaient réussi à s'opposer à une nouvelle loi sur les pêches, qui exigeait que des quotas de pêche soient donnés aux entreprises nationales plus petites. Plus tard, ces mêmes entreprises ont réussi à édulcorer et contourner les lois qui étaient destinés à limiter la surpêche. Cela a entraîné l'effondrement de la pêche.

De même, la capture de la fonction réglementaire est une considération importante au niveau international ou régional. Par exemple, la DG MARE de la Commission européenne, a eu du mal à se départir de l'image qu’elle avait de servir avant tout les intérêts des flottes de pêche européennes dans les pays en développement, plutôt que de promouvoir une pêche durable et le respect des droits des communautés côtières.

Ce qui manque dans la lutte contre la pêche INN est cette réflexion critique sur comment les acteurs puissants influencent l’élaboration des règlements et lois qui définissent ce qui est criminel et ce qui ne l'est pas, et comment assurer un contrôle réglementaire rigoureux.

Ainsi, alors que la pêche ‘non déclarée’ fait partie des problèmes de la pêche INN, peu de choses sont dites sur le fait que l’industrie dans son ensemble est caractérisée par une confidentialité exercée avec l’assentiment de l’Etat. Dans de nombreux pays, l’information sur ce qui est capturé, ce qui est contenu dans les accords de pêche, combien d’argent est payé par les compagnies, etc est confidentielle, sous justification de ‘protection des intérêts privés’. De la même manière, lorsqu’on arrive à la notion de ‘pêche non réglementée’, il y a un manque de réflexion sur ce à quoi devrait ressembler une pêcherie ‘bien réglementée’, et pourquoi cela ne s’est pas développé dans de nombreux endroits : ce n’est pas juste à cause du manque de données scientifiques ou de capacités de gestion restreintes.

La déviance des entreprises comme norme?

De nombreuses publications sur la pêche INN déclarent que les pêcheurs « pirates » sont mauvais car ils épuisent les stocks de pêche, imposent de mauvaises conditions de travail et obtenir un avantage injuste par rapport aux pêcheurs respectueux de la loi. Mais qu’est-ce qui distingue réellement les motivations des pêcheurs « pirates » du reste de l'industrie ? réduire les coûts et maximiser les bénéfices sont des tendances omniprésentes dans l'industrie, tandis que la surpêche est un problème collectif depuis des décennies. Tant les répercussions que les motivations attribuées à la pêche INN reflètent simplement les tendances plus larges existant au sein de l'industrie opérant légalement – une autre raison pourquoi il est si difficile de mesurer le coût de la pêche INN.

Peu parmi les plus grandes entreprises mondiales ont un bilan sans tache par rapport au respect des règlements et à la pêche «responsable », et ce, malgré leur enthousiasme à faire de la "responsabilité social". Pourtant, certains font mieux que d'autres. Le criminologue américain Dwight Smith a soutenu dans les années 1990 que les compagnies s’échelonnent entre les plus saintes et les  plus pécheresses. Il a fait valoir que les étiquettes telles que "crime organisé", qui permettent de distinguer les bons des mauvais, peuvent être arbitraires et trompeuses. La même chose est vraie pour la pêche INN – à quel moment un bateau, ou l'entreprise qui possède ce bateau, devient ‘un pirate’ (ou un navire INN)? Il existe des critères pour cette décision dans les Organisations régionales de pêche, mais le problème est que ces critères sont vagues. Il ne serait pas difficile d’appliquer la définition de INN à beaucoup, si pas une grande majorité de la pêche industrielle en Afrique, en particulier si on utilise au sens le plus large les deux ‘N’ (Non déclarée et Non réglementée’).

Les criminologues travaillant sur la criminalité des entreprises avec la complicité des Etats identifient "les marchés criminogènes", où la fraude, la déviance et les comportements contraires à l'éthique deviennent tout à fait normales. Ces comportements ne sont pas le résultat des voyous (des "pommes pourries"), mais les éléments les plus visibles de problèmes systémiques. Depuis la dernière crise financière, ce point de vue de la normalisation de la criminalité dans le monde de l'entreprise est devenue mieux connue du grand public, et bien décrite dans cet article du New York Timessur la propagation de la corruption dans les entreprises occidentales.

La théorie sur ce qui rend certains secteurs plus « criminogènes » que d'autres reste contestée, bien que une concurrence forte, la pression économique, la prise de risques inconsidérés, couplés avec la capture de la fonction réglementaire et l’affaiblissement des mécanismes de surveillance semblent des facteurs importants. Vu la nature des pêcheries et l'ampleur apparente des problèmes attribués à la pêche INN, la pêche industrielle est un excellent exemple d'un marché criminogène – les comportements contraires à l'éthique y sont plus des caractéristiques de l'industrie plutôt qu'une menace extérieure pour la majorité des entreprises respectueuses des lois. Il faut donc rejeter l'idée que les comportements contraires à l'éthique sont dus à "la pêche pirate" et commencer à penser plus en termes de criminalité d’entreprise dans un marché criminogène.

Alors, quelles sont les implications pour la lutte contre la pêche INN?

Parce que beaucoup de gens et d'organisations réfléchissent sur le problème de la pêche INN comme étant la pêche ‘des pirates’, ils se battent exclusivement pour une mise en application dure de la loi. Cette approche ne fonctionne pas sur les marchés criminogènes. Ce type de réponse, isolément, tend à provoquer quelques affaires très médiatisées, avec des punitions très sévères pour les malchanceux qui se font coincer. Cette approche est aussi vulnérable à la manipulation politique – l’application de la loi devient un outil stratégique à visée géo-politique.

Si nous voulons repenser la pêche comme criminalité d’entreprises et voir le secteur de la pêche industrielle comme potentiellement 'criminogène', tout en ne rejetant pas l’utilisation d’enquêtes et de poursuites, nous pouvons voir que les réponses nécessaires à la lutte contre la pêche INN devraient se fonder également sur les éléments suivants:

·Tout d'abord, il est important de réfléchir sur le fait que les lois et règlements dans le secteur de la pêche ne sont pas toujours des points de départ fiables pour décider ce qui est bon ou mauvais. Le cadre juridique pour décider qui et ce qui est « INN » doit être constamment revu et amélioré. Il existe un débat animé en criminologie sur les mérites d’une approche basée sur ‘les préjudices subis’ ou basée sur ‘le respect des droits humains’ lorsqu’il s’agit d’évaluer l'impact des comportements des entreprises. Le point est ne pas d'en finir avec le droit pénal, mais il est également vital de contribuer aux débats sur les réformes juridiques nécessaires. Dans cette perspective, nous pouvons également voir que des activités qui sont tout à fait légales ont un impact tout aussi grave sur la sécurité alimentaire, sur moyens de subsistance des populations littorales et sur la biodiversité de l'océan que les activités de pêche INN.

·Deuxièmement, nous devons apprécier que les crimes d'entreprises reflètent un échec de la démocratie. Ils fleurissent lorsque les intérêts des entreprises et des gouvernements se réalisent sans la participation et le contrôle par la société civile. Les questions de transparence, de responsabilisation et de participation sont un point central de la réforme du secteur, afin de ne pas laisser le débat sur la pêche INN devenir un sujet seulement traité par de puissantes ONG, gouvernements et institutions internationales en charge du ‘maintien de l'ordre’, travaillant confidentiellement. Un bon exemple de ce problème est Fish-I, présentée comme une initiative novatrice entre les gouvernements africains et des ONG environnementales étrangères qui partagent des renseignements confidentiels pour ‘attraper les méchants’, alors que les membres du FISH I ne veulent pas publier des informations de base sur les licences et les accords d'accès dans les États de l'Afrique. Résoudre les problèmes de déviance de comportement des entreprises dans le secteur de la pêche doit se faire par le biais de réformes de la gouvernance démocratique, et tout ce qui nie cela au nom de ‘la lutte contre la criminalité’ doit être traité avec la plus grande prudence.

·Troisièmement, il y a un défi important pour comprendre les relations complexes existant entre les entreprises et les gouvernements. Plutôt que de voir le problème de la pêche INN comme une menace pour les Etats du monde entier, nous devons être plus critique sur les relations entre les entreprises puissantes qui influencent la réglementation et l'autorité politique. Nous avons très peu de connaissances sur les mécanismes de lobbying dans le secteur, le phénomène de la ‘porte tournante’, les conflits d'intérêts, et les méthodes des pays pour promouvoir les intérêts de leurs entreprises nationales.

·Quatrièmement, le mouvement de lutte contre la pêche INN tend à encourager les pénalités pour les bateaux de pêche et, occasionnellement, une peine d'emprisonnement pour l'équipage. Mais les propriétaires et les principaux investisseurs dans les sociétés qui possèdent ces navires restent souvent ‘libres comme l’air’. Recadrer le problème comme étant un problème de criminalité des entreprises avec la complicité des Etats met en évidence la nécessité d’avoir une plus large vision de la culpabilité. Nous devons pouvoir mieux cibler les entreprises, leurs actionnaires ou propriétaires réels, ainsi que les états bénéficiaires.

De façon générale, avant de nous laisser emporter par le lancement de drones, de caméras à vision nocturne et de dépenser de grandes quantités d’argent à cet effet, nous avons besoin d’adopter une approche politique et historique pour comprendre les comportements des entreprises de pêche industrielle et des gouvernements, et des impacts de ces comportements sur les communautés et sur l'environnement. Cela conduirait à une compréhension plus raisonnable de la nature de la déviance dans le secteur, et ce qui doit être fait pour y remédier. Des décennies de travail effectué par les criminologues sur la question de la criminalité des entreprises et de la complicité des Etats pourraient être utilement consultés par ceux qui sont intéressés par ce sujet. Les efforts récents pour prendre en considération la pêche INN comme "crime organisé ' doivent être reconsidérés.